Thorens-Glieres

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Thorens

Retranscription d'une partie du livret(publié en 1971) sur l'Historique du château de Thorens, écrit par le Comte J.F. de Roussy de Sales (1928-1999) .

"Texte reproduit avec l'autorisation exclusive de la comtesse Isabelle de Roussy de Sales. Toute autre reproduction, même partielle est soumise à autorisation." / "Brochure en vente sur place, au château de Thorens."

Le paysage de la région est semblable au dieu romain Janus à double visage. D'un côté, il présente une face sévère, évoque un décor d'opéra wagnérien. De l'autre, c'est la partie souriante : elle est faite de calme champêtre.

Ici la nature a profondément marqué les hommes de son empreinte. L'histoire en donne une remarquable illustration : le seigneur Jean de Compey est le féodal arrogant, imbu de sa puissance brutale.

L'autre, l'évêque empli de mansuétude et de paternelle douceur, c'est François de Sales.

La vallée de Thorens était reliée aux autres régions par un chemin indigène allobroge. Il permettait aux habitants du Haut-Fier de gagner la vallée de l'Arve. Contournant la montagne de Parmelan, la sente passait à gué la Fillière.

A l'époque romaine, ce chemin abrupt fut amélioré au passage le plus dangereux, à Dingy, par les esclaves de L. Tincius Paculus, dans le premier siècle de notre ère. Avant ces travaux, on escaladait péniblement le rocher, mais à partir de ce moment les véhicules purent emprunter la voie, augmentant ainsi considérablement son trafic. Cela permet de présumer que le gué fut remplacé par un pont entretenu.

A partir de la moitié du troisième siècle la quiétude dans laquelle prospérait la région fut gravement troublée par une succession d'invasions particulièrement celles des alamans et des burgondes alliés aux goths.

Les burgondes établirent un royaume éphémère dont Genève devint le centre. Puis, sous la poussée des peuplades franques, ce royaume fut absorbé et incorporé, en 532, à l'empire Franc durant quatre siècles. Lors du partage de l'empire carolingien, une portion, la Lotharingie, revint à l'empereur Louis II. Celui-ci en concéda très probablement une partie, le duché de Transjurane, à Conrad, Comte d'Auxerre, dont le fils Rodolphe fut proclamé et sacré roi de Bourgogne dans l'abbaye de Saint-Maurice d'Agaune, en 888.

En 1032, le dernier roi de Bourgogne remit en mourant le royaume à son suzerain, l'empereur germanique. Ce retour du royaume à l'empereur irrita fort la parenté du dernier roi. Gérold,  Comte de Genève, son neveu direct par sa mère, entendait en tirer avantage et tous se rebellèrent contre l'empereur. Grâce à l'appui de ses vassaux qu'un quatrain patoisant mentionne :

« Terny, Viry, Compey Sont les meillous maisons dou Genevey.

Salanova, Menthon Ne leu cédont pas d'un boton ».

Gérold conserva sa position de Comte de malgré la soumission des prétendants lorsque l'empereur entra à Genève, en 1034, à la tête de ses troupes.

Monseigneur Charles-Auguste de Sales en 1659, se référait à la chronique de La Roche. Il relata la construction du fort de Thorens en 1060 par le comte Gérold, celui-ci aurait donné le gouvernement du château et de la région à messire Oddon de Compey, en remerciement de son appui contre l'empire.

L'aspect du fort de Thorens au XIe siècle devait être celui d'un burg montagnard. Il était perche sur l'emplacement de la butte de sable glaciaire, circonscrite entre les deux rivières. Son plan irrégulier suivait le haut des escarpements. A l'Est, ceux-ci n'étant pa assez prononcés, les hommes durent creuser de larges et profonds fossés, bordés d'épaisses palissades faites de troncs d'arbres emmêlés. La défense principale était constituée par le donjon carré, figure formidable et sauvage tournait le dos au val âpre et farouche, fermé par la dentelure des sommets  II surveillait de sa lourde masse le pont entretenu et la voie serpentine.   Elle   poudroyait   lorsque  passaient  les marchands  aux   charriots  lourdement  charges. Ses murailles étaient renforcées aux angles de platebandes en pierres de taille frustes, elles encadraient les ouvertures  longilignes  des  meurtrières,  éclairaient   d'un jour  parcimonieux  les pièces du  rez-de-chaussée.

Leurs plafonds voûtés étaient faits d'un appareillage de pierres oblongues noyées dans un mortier de chaux grasse, très dur.

Le sol rugueux, grossièrement pavé, laissait percevoir une ouverture centrale plongeant dans le sous-sol, au fond duquel gisait l'onde noire d'un puits. Les Seigneurs de Compey le firent combler par la suite pour en faire une citerne en cas de siège, une prison-oubliette en temps de paix.

Les fortifications étaient complétées aux angles par des tours irrégulières, compagnes du donjon, dont l'actuelle restante en est le témoin.

Le portail d'entrée, formé d'une triple archi­volte romane, était fortifié par une tour ronde. Il conduisait au rez-de-chaussée vers des salles aux voûtes surbaissées, percées au-dessus d'ouvertures : les conduits de fumée. Ces conduits de fumée témoignaient de grands feux auprès desquels les hommes d'armes reposaient.

La fin du millénaire, grâce à un climat chaudement sec, engendra une croissance économique essentiellement agricole.

Peut être cette époque vit-elle l'édification des trois digues sous le château. Celles-ci étaient faites d'énormes accumulations de galets diluviens, de pierres roulées extraites de la rivière Fillière. Elles s'opposaient à sa marche, en déviaient le parcours. Elles transmuaient de façon imperceptible l'eau par le sable, les débris organiques flottants par l'humus. Elle faisaient naître une plaine alluvionnaire au sol léger, celui-ci facilitait le travail superficiel de la charrue en bois.

Jadis les anciens y voyaient l'œuvre d'une fée de la montagne, dans son tablier elle emportait des charges de pierres, les laissaient choir avec grand fracas, à l'entrée de la vallée.

Cette période plus clémente dut inciter, parmi la houle sombre des noirs sapins, l'essartage. L'essartage enfanta la précieuse chrysolite des prairies où l'herbe grasse, richement fleurie, fut soigneusement recueillie, elle était vitale pour le seigneur et le paysan. Des hommes entreprenants s'établirent dans les montagnes. Ils se taillèrent dans les combes de Champlaitier, des Glières et de Nerval, de vastes pâturages. Nomades, sans cesse sur les sentiers qui parfois déchirent la paroi abrupte, ils accomplissaient les travaux de la vallée, tout en soignant le bétail sur les hauteurs.

Un petit chemin reliait le village de Thorens à Usillon, centre de ces montagnards dont une partie hivernait. La voie surplombant une source abondante, passait auprès de la Pierre Taillée où une petite grotte hébergeait la fruste statue en bois de la Vierge. Elle protégeait le voyageur attardé, contre la vision fantastique du veau à deux têtes, qui se dissipait à son approche dans un rire effrayant.

Les seigneurs de Compey.

Originaires de Compois situé dans le canton de Genève, les seigneurs de Compey possédaient à une époque très reculée (carolingienne) un château comprenant église, habitations et fort.

Cette période primitive est extrêmement pauvre en documents écrits. Elle permet de les voir apparaître de temps à autre mentionnés en bonne place, à titre de vassaux importants comme témoins ou garants, sur les actes des Sires de Faucigny et des Comtes de Genève.

Ces actes sont rédigés en belle écriture gothique sur de magnifiques parchemins, scellés de sceaux imposants.

Des lueurs mettent en évidence certains personnages : Albert de Compey, sénéchal du Genevois en 1228. Gérold, official et prévôt de l'église de Genève en 1256.

Girard voit, dans son enfance, Thorens ravagé par une bande soldatesque durant l'été 1242. Il prend part, en 1287, avec ses hommes d'armes et arbalétriers au siège du château de l'Ile de Genève, mené par le comte Amédée V de Savoie. Par la suite, il est nommé gouverneur, puis vidomne de la ville, cette charge lui confère les pouvoirs d'un juge d'instruction et ceux d'accusateur public.

Peut-être lui doit-on le donjon circulaire destiné à renforcer les défenses du château de Thorens à sa partie la plus faible, c'est à dire vers le fossé, à l'opposé du donjon carré. Il présente une épaisseur égale faite d'un appareillage en pierres de taille sur toute sa hauteur. Les archères sont largement ébrasées afin de permettre au jour de pénétrer et aux archers de s'assoir. Elles sont particulièrement allongées pour avoir un tir plongeant, disposées judicieusement aux divers étages, elles alternent et battent par leur champ de tir le pourtour de la défense. Au rez-de-chaussée un cul de basse-fosse, le ratier, sert de cachot en temps de paix. Il contient les provisions, les projectiles en temps de guerre. Un escalier coudé facilite la défense d'un étage à l'autre.

Le chevalier Guillaume, seigneur de Thorens, obtint en 1339 par sa mère Isabelle de Lucinge et une transaction avec sa famille, la haute et importante fonction de sénéchal de la ville épiscopale  de Lausanne. Cette situation élevée fait de lui le vassal de l'évêque, l'administrateur de ses biens et revenus. Il préside la frappe de la monnaie, exécute les jugements prononcés par le bailli. En contre partie, l'évêque l'associe à la perception de droits divers d'échutes, de prébendes. Guillaume de Compey gouverne, au nom du comte de Genève Amédée III, le Grésivaudan. Il en est le bailli, cumulant les attributions administratives, militaires, financières et judiciaires. Il sert en 1352 de caution, avec ses châteaux de Thorens et de Saconnex, à l'accord entre le comte de Genève et le Roi de France Jean le Bon. Accord par lequel Amédée III s'engage à rendre hommage au dauphin et l'évêque de Genève à lui remettre son château de Peney. L'évêque Alamand de Saint-Jeoire, furieux d'être dépossédé, excommunie le comte et ses vassaux pendant 26 ans !

Philibert participa au drame sanglant de Thonon, en 1462. Philippe, comte de Bresse, fils du duc de Savoie Louis Ier, se laissa influencer par un parti d'extrémistes xénophobes. Ils étaient exaspérés par les procédés levantins dont usait l'entourage ducal. Ce parti accusa le Grand Chancelier de Savoie, Jacques de Valperga et Jean de Varax, le Maitre d'Hôtel de la duchesse Anne de Chypre d'être les responsables de tous leurs maux. Le premier, d'avoir discrédité le comte de Bresse, d'être l'agent du Roi de France Louis XI. Le second d'être l'âme damnée de la duchesse et l'exécutant de la camarilla chy­priote.

Le comte de Bresse, s'adjoignant le Bâtard de Rochechouart et les nobles les plus virulents, se rendit au château de Thonon où résidait la Cour.

Les conjurés se saisirent du chancelier, et Compey de son fils. Le bâtard poignarda aussitôt le Maitre d'Hôtel Varax. Tous se retirèrent, non sans avoir pillé les appartements. Le comte de Bresse em­mena Valperga à Morges, obligea les procureurs de rendre une sentence expéditive, tortura sa victime en la désarticulant et la fit noyer dans le lac Léman. Le Roi de France Louis XI, très irrité de la mort du Grand Chancelier de Savoie, son ami, attira le comte de Bresse et sa suite, à laquelle appartenait Philibert de Compey, dans un piège. Le prince resta captif au donjon du château de Loches. Les gentilshommes furent emprisonnés au château de Chinon pendant quatre ans.

Philibert de Compey termina son existence comme gouverneur du Comté de Nice où il fut aimé et apprécié.

Jean de Compey, seigneur de Thorens, cousin du précédent, né en 1410, illustre son époque faite de chevalerie ostentatoire, à la fois formaliste et fastueuse.

Il est appelé par le duc Louis 1er de Savoie aux fonctions diversement importantes de chambellan, grand bailli du Gene­vois, commandant en chef des armées. Son caractère altier le fait exceller aux exercices de guerre : la chasse et le tournoi.

Durant l'été 1443 le duc Louis 1er, son épouse, Philippe comte de Genevois et une nombreuse suite, dont Compey fait partie, se rendent à Châlon auprès de Philippe le Bon, duc de Bourgogne. Parmi les fêtes de réception organisées en l'honneur des savoyards figure un pas d'armes, (variété de tournoi) à Marcenay, près de Dijon où le seigneur de Thorens se distingue.

Ce pas d'arme a pour décor la frondaison majestueuse d'un chêne séculaire au tronc orné de tapisseries armoriées; au pied, un héraut bigarré clame les noms et qualités des seigneurs combattants. Les tribunes dominent le tumulte humain, fourmillement de têtes dont les voix, les rumeurs mêlées aux frissons des bannières, font un bruit d'essaim.

Voilà les cavaliers superbes, dressés debout sur leurs étriers, ils échangent de hautains défis tout en assurant leur lance valeureuse. Le chroniqueur décrit le seigneur de Thorens :

"armé, heaume et paré de grands plumars, vêtu d'une longue robe d'orfèvrerie bordée de perles, monté sur un destrier couvert de cendhal blanc semé des lettres d'or A-U-F, suivi de ses pages mis à sa devise : robe rouge à manche bleue.

Plusieurs lances furent rompues par les habiles jouteurs, mais le combat à pied fut plus remarquable et plus rude".

Duels d'hommes en habits de fer, sombres, ardents, ils luttent d'un furieux acharnement avec l'épée à deux mains, la hache aux éclairs meurtriers. L'acier mord le fer, les étincelles jaillissent sous les coups, le sang coule, ils sont enivrés d'une sombre démence. Le duc et sa cour applaudissent, mettant fin au combat.

La chasse est une autre activité importante car on imagine aisément ce qu'elle apporte de plaisirs quotidiens parmi les solitudes montagnardes. Les antiques forêts, peuplées d'une multitude d'animaux grands et petits, y entretiennent une vie active, quoique discrète. Dès les brumes matinales évaporées, les chiens, compagnons fidèles, s'élancent à la quête du gibier. Les valets partent reconnaitre l'endroit où le cerf se dissimule parmi les taillis, cherchent les traces laissées. L'animal identifié, c'est l'approche des cavaliers précédés par les meutes de chiens courants dont les limiers dirigent la quête. Débusqué, le cerf tire parti de ses admirables facultés de ruse, d'astuce pour égarer les chiens, les distancer par sa ténacité, sa vitesse. Enfin, impassibilité hautaine ou ruée désespérée, lorsque la bête est sur ses fins. " L'hiver, les cerfs sont paralysés par une masse de neige qu'ils s'efforcent de repousser avec leur poitrail. On s'approche, on les égorge. Tandis qu'ils brament sourdement on les abat et on les emporte avec de grands cris de joie ".

D'autres fois, durant les fortes chaleurs de l'été, la résistance du sanglier diminue. Les chiens font jaillir la bête noire de sa bauge, elle fonce toutes soies hérissées, l'œil en feu, d'une ruée brutale. Alors l'habileté du chasseur, son courage s'expriment de façon éclatante par l'estocade mortelle portée avec la lance. Avant les premières neiges, dans le but de faire disparaître ses traces, l'ours hiverne dans une tanière aménagée parmi les hautes futaies résineuses, sous un tronc d'arbre séculaire et déraciné. Il veille, les sens en alerte. Dès que le chasseur guidé par son chien approche, il s'élance au dehors, ayant localisé ses agresseurs grâce à son oufe et son odorat remarquables. Atteint par l'épieu il dresse sa masse imposante, enserre le chasseur dans l'étreinte formidable de ses pattes musculeuses armées de griffes redoutables.

Avec le règne de Louis I, duc de Savoie, on aborde une période décadente. Sa femme Anne de Lusignan, duchesse de Chypre, belle et impérieuse, se substitue à lui dans la direction du duché.

La mode s'exalte pour l'île lointaine, les levantins arrivent par groupe familiaux prêts à exploiter les territoires commerciaux.

L'entourage ducal est balloté entre des factions impudentes et rivales.

Jean de Compey, habile courtisan, sait intéresser la duchesse Anne et être une puissance dans la camarilla qui la soutient. Cette situation privilégiée exacerbe l'hostilité des seigneurs savoyards jaloux. Elle porte à son paroxysme. L'animosité de la maison de Menthon contre celle de Compey. Ces derniers avaient gagné un long procès fertile en péripéties, en retentissantes disputes relatives au partage du château de Montfort, en 1413.

Par une chaude journée d'août 1446, la duchesse, Yolande, sœur du roi Louis XI et la princesse Annabelle d'Ecosse accompagnées de leur suite gagnent les hauteurs du Salève. Le seigneur de Thorens y avait disposé le déploiement des cavaliers porteurs de faucons à tête encapuchonnée, posés sur le poing ganté de cuir. A un signal, les oiseaux de proie prennent leur essor haut dans le ciel. Leur regard perçant et scrutateur détecte le gibier, l'ayant perçu ils se laissent tomber sur la proie maintenue par les serres puissantes ; elle reçoit le coup de bec fatal qui l'assomme prestement et il la porte au cavalier, leur maître et ami. Le soleil darde ses rayons, la chaleur est accablante pour l'organisateur, hôte attentif au déroulement complexe de cette forme de vénerie. Il se rafraîchit quelques instants dans une chaumière, y est rejoint par un groupe de cavaliers dans lequel il reconnait ses implacables ennemis.

Par ruse, il les détourne et rallie les nobles dames. Les conjurés furieux d'avoir été joués, se précipitent sans égard pour les altesses et la cour assemblée, ils l'assaillent à coup d'épée et le laissant à terre grièvement blessé.

Profitant de la stupéfaction provoquée, ils s'enfuient promptement en Dauphiné.

Jean de Compey est nommé en 1448, lieutenant général et commandant en chef des armées de Savoie. Il reçoit mission de secourir la ville de Milan dont la province a été mise à mal par la république de Venise. Les troupes vénitiennes commandées par les prestigieux et célèbres condottieri Colleone et Sforza auront peu de difficultés à vaincre les savoyards moins bien commandés et plus éloignés de leurs bases.

Défait près de Verceil avec quatre cents cavaliers, il est fait prisonnier. Il se libère par une forte rançon. Cela l'oblige à remettre sa charge de sénéchal à l'évêque de Lausanne, Georges de Saluces. Ce dernier lui verse en échange 1000 ducats d'or, en 1450.

Ainsi les seigneurs de Compey garderont la sénéchalie de Lausanne pendant 110 ans.

Le dauphin Louis, futur roi Louis XI, épouse Charlotte de Savoie au grand déplaisir de son père, le roi de France Charles VII. En Savoie, nous assistons à une lutte entre le père et le fils par seigneurs interposés : le dauphin soutient Compey, le roi les seigneurs savoyards agresseurs et exilés. Tour à tour ces derniers sont un danger pour leur ennemi ou réciproquement.

Dès 1451, par des raisons de sécurité et d'économie, le seigneur de Thorens entreprend des aménagements défensifs dans sa forteresse. Il érige une tour carrée, face au donjon circulaire, une poterne ou porte fortifiée les précède, elle domine le fossé qu'enjambe un pont levis. Le tout est relié par des chemins de ronde permettant aux soldats de circuler sans péril à l'intérieur des fortifications. Ces dernières sont disposées de manière à ce que l'attaquant ne soit nulle part à l'abri des flèches ou des projectiles. Les archères du donjon circulaire sont complétées par des canonnières formées d'un trou rond pour le tube de l'arme, d'une fente verticale pour la visée et l'échappement des gaz.

Ces améliorations permettent des tirs horizontaux avec les canons, plongeants avec les arbalètes. D'autre part, la conversion en argent des prestations en nature d'autrefois, permet au seigneur de rémunérer des soldats de métier, permanents et spécialisés, tel les arbalétriers, canonniers, fabricants de poudre, de boulets. La qualité remplace le nombre. Avec des fortifications modernisées, il économise des hommes de plus en plus coûteux.

La considérable Maison des princes de Luxembourg se divise en plusieurs branches. L'une d'elle intéresse Thorens. Il s'agit de la famille du prince Pierre Ier, comte de Saint Pol. Elle se distingue par ses immenses besoins pécuniaires.

Sa fille Hélène épouse le fils de Louis Ier, Janus, comte de Genevois. Celui-ci inféode tous les biens de Jean de Compey, sous prétexte que ce dernier refuse de lui rendre hommage. Il constitue par des procédés analogues d'importantes donations à la princesse son épouse.

Leur fille Louise, est fiancée dès l'âge de six ans à son cousin germain paternel, une dot de 60 000 florins d'or est promise. Devenue veuve, elle épouse son oncle maternel François 1er de Luxembourg, vicomte de Martigues. La somme promise par son père n ayant  jamais été versée, le second mari en réclame le payement, celui-ci est ramené après transaction à 40 000 florins assignés sur le Pays de Vaud. Cela fait du couple des seigneurs importants, ils obèrent ainsi les finances de la Savoie.

Leur fils François II, gouverneur-général, épouse Charlotte de Brosse, comtesse de Penthièvre. Elle lui apporte des biens considérables situés dans l'ouest de la France. Les biens savoyards sont gérés par des châtelains amodiataires, tel son Maître d'Hôtel François de Sales qui avait pouvoir de traiter jusqu'à concurrence de 7 000 écus.

Après cette parenthèse sur le rôle des princes de Luxembourg, revenons en arrière afin de suivre le cours des événements auxquels Jean de Compey fut mêlé.

Jacques de Savoie, comte de Romont, fils de Louis Ier est ami intime de Charles le Téméraire, duc de Bourgogne. Il est le protecteur du Pays de Vaud que lui disputent ses voisins bernois, bientôt victorieux occupants. Il reprend les territoires perdus, ceux-ci devant servir à Charles le Téméraire de bases à sa marche sur Berne.

Arrêté dans sa progression, c'est le siège de Grandson par le duc lui-même venu à la tête de ses troupes. Jean de Compey et une centaine d'hommes d'armes servent dans ce corps d'armée. Ils ont mission d'attirer, par une feinte, l'armée bernoise massée à Morat, vers la rive orientale du lac de Neuchâtel et Yvonand. C'est là qu'il est surpris par la sombre défaite bourguignonne du 2 mars 1476.

Huit jours plus tard, il arrive à Vevey où il répartit ses soldats dans les villages voisins. Dépité parla défaite il est particulièrement insolent, hautain et méprisant envers les habitants. Ceux-ci lui imputent l'incendie de Saint Saphorin, village de pêcheurs des rives du lac Léman.

Dès le 14 mars le Duc de Bourgogne établit son camp près de Lausanne, où ses 20 000 soldats sont souvent en maraude. La tension entre les riverains du lac et la soldatesque est grande.

Vers Pâques, le seigneur de Thorens, accompagné de son fils Philibert, dit le borgne, se querelle avec Yblet de Gerdilli, le vice-châtelain de Vevey. Altercation dangereuse car Philibert de Compey donne un coup d'épée à la tête du magistrat, pendant qu'un comparse lui enfonce son poignard dans la cuisse. Le malheureux réussit à s'esquiver chez le banderet, les assaillants n'osant aller achever leur victime au domicile du chef de la police municipale ! Ce dernier accompagné des délégués du capitaine général, de bourgeois armés, poursuivent les agresseurs enfuis vers les vignobles étages sur les hauteurs. L'expédition prend tournure de battue, elle s'achève par la découverte du seigneur de Compey caché dans un épais fourré du Mont Pèlerin.

Resté seul à lutter contre ses poursuivants, ses compagnons l'ayant abandonné lâchement, il redescend vers Vevey encadré par deux archers au milieu des huées, des paysans menaçants, on le frappe. D'un ultime effort il s'échappe et court de toute ses forces. Rejoint, il roule à terre avec son poursuivant, prend son épée avec laquelle il lui fait une profonde blessure au crâne. Le blessé, d'un revers de pertuisane atteint Jean de Compey à la tête et l'achève d'un coup de dague. Le seigneur de Hauteville le fait porter dans l'église de Corsier pour l'inhumer.

Philibert, dit le borgne, fut le cruel acteur de l'attaque menée contre le vice-châtelain. Il continua la lutte contre les seigneurs de Menthon, âmes de la conjuration des nobles savoyards qui avaient décidés la disparition de son père. Le seigneur Bernard de Menthon devait se rendre à Genève, conférer avec l'évêque Jean-Louis de Savoie pour mettre fin aux agissements du dit Philibert. Par un cruel hasard, chemin faisant, les deux hommes se rencontrèrent le 15 septembre 1479. S'étant abordés, ils se devinèrent. Compey avait pénétré les desseins de son ennemi, il alla trouver l'évêque ; celui-ci confirma l'entretien. Ivre de fureur, il s'élança, à bride battue avec une suite armée sur les traces de Bernard de Menthon. La petite troupe rencontra ce dernier, accompagné de son frère, dans une forêt où tous deux cheminaient. Instantanément les meurtriers les entourèrent. Malgré leurs supplications, un homme à la robe rouge, au capuchon baissé enfonça sa dague par deux fois dans le corps de l'infortuné qui rendit l'âme.

Par sa séance solennelle du 20 novembre 1479, le conseil souverain condamna Philibert de Compey et ses complices à mort, à la confiscation de tous leurs biens au profit de la couronne. La seigneurie de Thorens fut, par la suite, donnée en investiture à la princesse Hélène de Luxembourg, épouse du Duc Janus de Savoie.

La tradition veut que Philibert, fugitif, proscrit, soit mort en 1496.

Jean de Compey, héritier naturel de son frère assassin du seigneur de Menthon, était privé de sa succession par le jugement de confiscation et l'investiture faite à la princesse Hélène de Luxembourg. Il obtint, en 1496, du comte Philippe de Bresse, une révision de la sentence, la fit signifier à Louise de Savoie, vicomtesse de Martigues. Ce fut le début d'un long procès poursuivi encore après sa mort en 1512.

Au début du XVIe siècle, le duché poursuit sa décadence, amorcée quelques années   plus  tôt,  malgré  les  ambitions  de Charles III. Celui-ci ne peut se soustraire aux conséquences de la guerre entre la France et Charles Quint, ni maîtriser l'accession à l'indépendance du peuple des villes épiscopales de Genève et Lausanne.

Depuis les défaites de Charles le Téméraire, les armées suisses confédérées, l'influence bernoise grandissait. Ainsi Fribourg se rendit indépendant de la Savoie grâce à son alliance avec Berne. Les patriotes genevois et lausannois se rendirent compte qu'un traité de combourgeoisie avec Berne Fribourg neutraliserait l'évêque et le duc dans ars ambitions respectives. Un certain nombre de patriotes s'établirent temporairement à Berne et à Fribourg. Ils tâchèrent d'intéresser les autorités au sort des villes épiscopales en grand danger d'être absorbées par le duc Charles III de Savoie, rendu furieux de leurs velléités d'indépendance politique. Ces démarches aboutirent, en 1526, à un traité solennel de combourgeoisie, conclu en l'absence de  l'évêque. Le duc fut contraint de réhabiliter les patriotes fugitifs, de suspendre les peines édictées contre eux à Chambéry.

Parallèlement à l'émancipation politique, l'affranchissement religieux se poursuit. L'humanisme chrétien remet en question les dogmes par une nouvelle étude biblique et évangélique conduite r les philosophes Lefèvre d'Etaples et Erasme. Leurs idées sont, par la suite, radicalisées par l'allemand Luther et le zurichois Zwingli. Berne accueille, soutient les évangélistes réformés, par son entremise une communauté évangélique se forme à Genève parmi les patriotes fugitifs et leurs adhérents.

Philibert de Compey, seigneur de Thorens et dernier du nom, était en relation très amicale et suivies avec la plupart des patriotes genevois dont il partageait et appuyait les idées politiques auprès de Pierre Girod, secrétaire d'Etat à Berne et aussi de son parent Dietrich d'Englisberg, avoyé de Fribourg, un des principaux artisans du traité de combourgeoi­sie.

Ce dernier obtint d'une sentence prononcée par le duc Charles III, en octobre 1526, à Chambéry, la restitution totale des biens de son cousin, le seigneur de Thorens. Cela mettait fin au procès commencé en 1496 par son père contre Louise de Savoie, vicomtesse Luxembourg Martigues.

Il entreprend durant trois années d'importants travaux de réfection dans le château de Thorens, dévasté et abandonné pendant quarante sept ans. Acquis aux idées des patriotes genevois ses amis, il sera comme eux un fidèle du réformateur Guillaume Farel, le disciple de l'humaniste Lefèvre d'Etaples. Peut être connut-il le réformateur par l'entremise de leur ami commun Pierre Girod, le secrétaire d'Etat à Berne ? Ce dernier avait suggéré à Farel de s'installer, dès 1526, comme maître d'école sous le pseudonyme d'Ursinus, à Aigle.

Farel protégé par Berne vint à Genève accompagné de disciples pour prêcher et répandre les nouvelles doctrines. Par l'entremise de Pierre Girod et de Sébastien de Diesbach, avoyé de Berne, le seigneur de Thorens acquit une maison, contigüe à celles d'autres adeptes, où les évangélistes se réunissaient et entendaient les prédications des réformateurs Viret et Farel.

L'agitation à Genève allait grandissant, des conflits éclataient parmi la population.

Le soir du 4 mai 1533 des bagarres produisirent une mêlée générale au chevet de la cathédrale. Le cha­noine fribourgeois Werli, armé, blessa de nombreux antagonistes. Poursuivi, isolé, percé de nombreux coups d'épée, il est achevé par une dague enfoncée à la jointure de sa cuirasse. Cet assassinat fit grand bruit à Fribourg où la famille Werli avait de l'influence.

La famille de Sales

« La famille de Sales parait être originaire de La Roche-sur-Foron. Elle dût, de bonne heure, donner son nom à un hameau de la paroisse de Thorens où se développe la maison-forte devenue le château de Sales ».

La première filiation authentique remonte à Jordain, mentionné dans le testament de son fils en 1468. A cette date ce fils, Jean de Sales, est vidomne de la ville de La Roche. L'année suivante il vend sa charge au comte de Genevois Janus. Ses successeurs sont les vassaux des seigneurs de Compey, leurs proches voisins, en leur nom vidomne de Thorens.

Christophe de Sales est le premier à s'affranchir de ce service en devenant page de la princesse Hélène de Luxembourg, épouse de Janus comte de Genevois. Par la suite, il est écuyer de leur fille Louise de Savoie. Lorsque celle-ci se marie avec son oncle François Ier de Luxembourg, vicomte de Martigues, Christophe est promu Maître d'Hôtel, (chef de la maison du vicomte de Martigues). Il bénéficie de ses libéralités en se faisant octroyer divers biens dans la vallée de Thorens. Il était en 1505 amodiataire, c'est-à-dire concessionnaire de terres en échange de prestations particulières, (sorte de fermier) dans l'abbaye d'Entremont. Trois fois il se maria, les deux dernières avec des veuves. Sa vie s'harmonisa entre la dévotion et le soin des choses temporelles.

Son fils Jean épousa la fille d'une de ses belle-mère. Il continua la fonction paternelle auprès de François II de Luxembourg, gouverneur-général de la Savoie. Ce dernier lui accorda la permission d'élever moulins et battoirs sur les rivières Flan et Filière en 1550.

Ce fut l'essor d'une animation industrieuse. Grâce aux nombreux barrages faits d'énormes troncs de sapins entremêlés, l'eau tombait en larges cascades tumultueuses, canalisées par des biefs vers les moulins aux roues énormes, tournant inlassablement dans un nuage de gouttelettes irisées par le soleil. Du moulin au toit de chaume verdi par les mousses, s'échappait de façon ininterrompue la chanson grondante des meules écrasant les grains des céréales, les cliquetis régulier des cames actionnant les battoirs à chanvre et les stridulations des scies. En hiver cette inlassable activités se pétrifiait, les glaces pendaient en gigantesques stalactiques.

Ces industries rudimentaires, jointes à la profonde sagesse administrative, le dévouement aux intérêts des princes de Luxembourg, portèrent leurs fruits. François de Sales, seigneur de Boisy, le père de François le Saint, put acheter en 1559, terres, châteaux, village, juridiction de la seigneurie de Thorens au prince Sébastien dont il était le Maitre d'Hôtel. Cette fonction consistait à être procureur constitué à différentes dates pour la vente de terres en Savoie. Les sommes recueillies servaient à payer la forte rançon exigée pour la libération du prince, fait prisonnier à Thérouanne, en 1553.

Son frère Louis épousait demoiselle Janine de Guasquis. Etaient de la fête une foule de gens nobles, parmi lesquels on distinguait le seigneur de Sionnaz et sa fille unique Françoise dont la grâce candide fit sensation. La noce finie l'inattendu arriva : François avait observé l'aimable petite, son charme l'avait conquis.

Peu après il alla au château de Boisy (Groisy) faire une visite à la famille de Sionnaz. Il confia son sincère désir d'avoir un jour pour femme la petite Françoise. Encouragé par un accueil étonné mais cordial, il conta son histoire.

Né au château de Sales en 1522, il était devenu page-écuyer de son parrain le prince François de Luxembourg-Martigues, gouverneur de Savoie.

En 1544, officier de cavalerie, il prenait part dans les armées royales de François 1er (celui-ci avait conquis la Savoie en 1532) à la guerre contre l'empereur Charles-Quint allié au roi Henri VIII d'Angleterre. François de Sales ne put cacher qu'il s'était comporté en brave. En effet il avait résisté, à la tête de sa compagnie, dans la place forte de Saint-Dizier-sur-Marne, assiégée par des armées impériales, pendant quarante jours. Par la suite le siège de Landrecies lui offrit l'occasion de semblables exploits. Après quelques missions au service des princes de Luxembourg, resté célibataire, il s'était retiré au château familial de Sales. Il ne conservait de sa vie militaire qu'une fonction : celle de capitaine de garnison à Annecy.

Il fut agréé par les seigneurs de Boisy. Françoise, fillette de huit ans, resta dans sa famille quelques années encore.

Le mariage eu lieu au printemps 1566. La petite mariée vint habiter le château de Sales, en compagnie de Louis de Sales, son beau-frère et son épouse.

Ces derniers avaient leurs appartements ornés de précieuses tapisseries de haute lice, des Flandres, dont les scènes bibliques représentaient l'histoire de Tobie.

Les bordures de chaque tableau représentent des oiseaux, des animaux symboliques sont disposés parmi les feuillages. Aujourd'hui ces tapisseries servent d'écrin aux précieuses reliques de Saint François de Sales. Grâce à leur restauration faite par les Monuments Historiques en 1976, le visiteur peut apprécier cet admirable travail de tissage : majestueux pour l'ensemble, merveilleux pour les détails.

L'été 1566, le duc de Nemours, son épouse Anne d'Este, vinrent à Annecy. La ville leur réserva une brillante réception, la noblesse leur rendit hommage. Pour accroitre la solennité, son cousin germain, le duc de Savoie Emmanuel-Philibert, autorisa l'exposition du Saint-Suaire à Notre Dame de Liesse. Devant cette relique insigne la jeune épouse fit le vœux de consacrer à Dieu son premier né.

L'année suivante, le 21 août 1567, naissait François de Sales (1567-+1622), le futur saint évêque, glorieuse illustration de la Savoie, l'une des figures les plus charmantes de son époque.

Cette figure est trop connue pour que nous en retracions une vie détaillée. Le visiteur déjà au fait de l'œuvre, des reliques, les contemplera tel un bouquet fleuri, dont la disposition nous est décrite dans l'introduction à la Vie Dévote. Cette variété de bouquet nous guidera dans la visite.

Son père, le voulant sénateur de Savoie, l'envoya couronner ses études à la célèbre université vénitienne de Padoue où il se rendit accompagné de son frère Gallois. Deux documents particulièrement émouvants parmi les trésors salésiens marquent son passage.

Son brevet d'immatriculation établi par le recteur de la faculté de droit Fabio Turchi, à son arrivée le 16 octobre 1588. Document d'identité aussi : il y est fait mention d'une cicatrice au sommet droit du front. Le cachet représente l'image du Rédempteur, protecteur des Légistes.

Son diplôme de docteur en droit canonique et civil, forme livret, il est relié en veau fauve ; les plats sont ornés de fers au centre, parmi les arabesques, un médaillon ovale représente le Christ crucifié entouré de la Vierge et du disciple Jean. Le sceau de l'évêque de Padoue, Alvise Cornaro, l'accompagne. Ce fut le 3 septembre 1591 l'examen solennel en latin, présidé par l'illustre Pancirola, recteur de l'université. Le candidat triompha et fut comblé de louanges.

Après son retour de Padoue, son père l'exhortait au mariage et à prendre charge d'avocat. Doucement mais fermement le fils se déroba, soutenu dans son désir d'être prêtre par sa mère et surtout par l'appui résolu de l'évêque diocésain Monseigneur Claude de Granier.

Son père obtenait par faveur exceptionnelle d'Emmanuel-Philibert, duc se Savoie, une patente nommant François de Sales sénateur. A la même époque une occasion se présentait : la charge de Prévôt du chapitre de Saint Pierre de Genève devenait vacante. Charge importante puisqu'elle était suivante de celle de l'évêque.

Les concours nécessaires aux démarches romaines aboutirent rapidement. Le 7 mars 1592 la bulle nominative, les lettres apostoliques scellées par le sceau de plomb (bulla) au chiffre du Pape Clément VIII arrivèrent. Le 12 mai 1593, François de Sales reconnaît la mise en possession de la Prévôté. Il y adjoint la formule du serment par lequel il promet son soutien, avec toutes ses forces, à l'Eglise romaine.

Le visiteur se penche et s'interroge, ces écrits ne sont-ils pas le témoignage, le résumé de l'œuvre salésienne ?

Devenu diacre, dès l'automne il passa à l'action en fondant la confrérie des Pénitents de la Sainte Croix.

Prieur de cette association religieuse, sa première œuvre d'apostolat, il la voulait, un camp de prière, un bastion de vie fervente, un attrait des Réformés aux pouvoirs de l'Amour Divin, un rempart des vertus sociales. 

François de Sales est ordonné prêtre par son évêque Monseigneur Claude de Granier le 18 décembre 1593 et il entreprend sur les ordres de son évêque la mission du Chablais.

Il reçoit la consécration épiscopale dans l'église de Thorens le 8 Décembre 1602.

François de Sales est ordonné prêtre par son évêque Monseigneur Claude de Granier le 18 décembre 1593.

Divers objets rappellent au visiteur le rôle sacerdotal.

Son calice, somptueuse pièce d'orfèvrerie, est orné de scènes symboliques finement burinées.

Sur l'extérieur de la coupe, dans des réserves ovales, on voit les quatre Evangélistes accompagnés de leur emblème. Sur le pommeau son représentés quatre Docteurs de l'Eglise. Le pied, à six lobes, pré­sente trois chérubins encadrant le Crucifix, les instruments de flagellation et ceux du Calvaire.

Les burettes avec son plateau ovale, gravées à ses armoiries, servent à la purification.

Son bréviaire, gros in folio à reliure de veau, porte une dédicace imprimée par Edmond Auger. Elle est datée du 25 janvier 1587, adressée au très chrétien Henri troisième, roi de France et de Pologne.

L'année suivante, en 1593, il entreprend, sur ordre de son évêque, la mission du Chablais. C'est dans la petite chapelle aux jolies fresques romanes du château des Alinges, aujourd'hui haut-lieu salésien, qu'il célébrait sa messe avant de s'élancer vers ses courses apostoliques.

Trois documents liés entre eux sont relatifs à la cure du Petit-Bornand dont François de Sales devait être bénéficiaire :

II s'agit de la Bulle du Pape Clément VIII : institution de François de Sales à la cure du Petit-Bornand, écrite sur parchemin le 13 septembre 1597.

Puis une bulle du même Pape, donnant commission à François de Chissé, vicaire général et officiel de Claude de Granier, évêque de Genève, pour la mise en possession de la dite cure. Parchemin du 13 septembre 1597.

Enfin acte de mise en possession de la cure, papier daté du 27 juillet 1598.

Le frère du curé précédent mit opposition, porta l'affaire devant le tribunal éclésiastique où il eut raison. François de Sales saisit alors l'autorité civile qui lui donna gain de cause. Le Sénat de Savoie s'entremit, arbitra le différend, celui-ci se termina par une transaction.

En 1599, Monseigneur de Granier l'envoie à Rome auprès du Pape. Il y retrouve son frère Louis venu là faire ses études littéraires et juridiques. Le Pape Clément VIII, après examen théologique, proclame François de Sales coadjuteur c'est-à-dire suppléant de Claude de Granier avec le titre d'évêque de Nicopolis (ville de Bulgarie sur le Danube). Le visiteur a connaissance de cette promotion épiscopale par une bulle du Pape Clément VIII accompagnée de la formule de serment inscrite sur un grand parchemin.

L'année 1601 réunit les huit enfants autour de François de Sales, vénérable gentilhomme, éteint pieusement au milieu des siens.

Durant son séjour à Paris auprès du Roi Henri IV il signe, comme nouveau chef de famille, l'achat de la seigneurie de Thorens à Marie de Luxembourg, duchesse de Mercœur, le 8 juin 1602.

Il reçoit la consécration épiscopale dans l'église de Thorens le 8 décembre 1602.

Durant la cérémonie du sacre il eut la vision de la Sainte- Trinité. Cet événement est illustré de nos jours par la belle mosaïque du chœur de l'église paroissiale, commandée en 1937 par le curé-archiprêtre M. Pagnod.

Son sceau épiscopal présente au centre ses armoiries frappées du croissant, des étoiles, entourées de l'inscrip­tion : « Francis de Sales. Eps. et princeps. Genebennen ». Une poignée de buis, brunie par les ans, permet de le saisir.

Signe de son activité sacramentelle d'évêque, le visiteur voit deux grémials : l'un en velours de Gênes, l'autre de soie violette. Ces pièces de tissu étaient posées sur ses genoux lors des confirmations.

Trois mitres sont exposées :

L'une de soie brodée, ornée de perles est celle avec laquelle il fut enterré.

Une autre en drap d'or porte une attestation d'autenticité de Mgr. Rey. Enfin une troisième en drap d'ar­gent, ornée de deux miniatures en mé­daillon, brodées de soie.

Il se recueillit quelque jours au château de Sales auprès de sa mère avant d'aller à Dijon en 1604. Il célébra sa messe dans la chapelle, où Dieu le transporta d'extase, lui inspi­ra de fonder l'or­dre de la Visita­tion. A cet empla­cement, le comte Eugène de Roussy de Sales fit ériger, en 1875 une croix de pierre. Cette croix est abritée par les frondaisons d'un gigantesque tilleul pluri-centenaire, face aux montagnes, à la vallée.


Photos:

- Jimre (2009)

Posté le 29-11-2009 20:24 par Jimre