Chatillon d'Azergues
Photos de Chatillon d'Azergues
Photos:
- T. Knobloch (2010)
- Jimre (2009, 2010, 2021)
Posté le 11-09-2011 17:11 par Jimre
Description de Chatillon
D'après la retranscription d'une partie d'une notice du XIXe siècle (1869) écrite par A.VACHEZ, érudit lyonnais, qui concerne le château de Chatillon d'Azergues.
Le château de Chatillon d’Azergues est le monument le plus remarquable de l‘architecture militaire du moyen-âge que possède l’ancienne province du Lyonnais. On peut trouver ailleurs des constructions plus importantes, un plan plus vaste, une ornementation plus riche; mais ce que la main de l'homme a épargné a Chatillon suffit pour nous faire juger de ce qu'étaient autrefois une forteresse féodale et les mœurs guerrières des temps chevaleresques.
Ce qui distingue le château de Chatillon d'Azergues de beaucoup d'autres châteaux du moyen-âge, c‘est que, tout en faisant partie du bourg qu’il commande, il en est complètement indépendant. Il protégeait le bourg, et le bourg, entouré d’une enceinte continue, dont la partie basse était défendue par un fossé que remplissait une dérivation de l‘Azergues, ajoutait à sa force en lui servant de première ligne de défense. Ainsi en était-il à Coucy, à Saumur, à Orange et dans beaucoup d'autres villes. Entre le bourg et le château se trouvait une seconde enceinte, qui enveloppait une esplanade formant la basse-cour de la forteresse, et renfermant la chapelle seigneuriale. Cette esplanade, dont nous voyons encore les murs de soutènement, munis de contreforts, se défendait du coté du bourg par plusieurs tours, dont deux sont encore très apparentes sur le flanc méridional de la colline. Elles nous expliquent comment l’ entrée principale du château était dépourvue de tours de flanquement. L'ennemi pouvait s'emparer du bourg sans avoir obtenu de grands avantages; les habitants se retiraient dans l’enceinte inférieure du château, dont l’approche n’était point facile. C'était ainsi un second siège a faire avant d'attaquer le château proprement dit, refuge assuré des défenseurs de la place.
Le château de Chatillon devait donc à sa situation une importance bien supérieure à celle qu'on serait tenté de lui attribuer, en considérant seulement l’étendue de son emplacement. Son plan est celui d'un carré irrégulier, arrondi du coté de l’Ouest. Au midi, il domine des escarpements inaccessibles; au nord et à l'ouest il était séparé de l'arête de la montagne par un fossé large et profond, et défendu par des remparts élevés, flanqués de deux tours carrées et d'une tourelle cylindrique.
Chaque siècle semble avoir laissé sur les murs du vieux manoir l'empreinte du style de son architecture et de ses habitudes sociales.
La partie la plus ancienne du monument, qui fait face a la chapelle, remonte au XIe ou tout au moins au XIIe siècle. Cette époque est bien caractérisée par les arcatures à plein cintre reliant les contreforts plats qui divisent cette façade en quatre travées, et par le mode de l’appareil en forme de feuilles de fougère, ou d’arêtes de poisson, que l’on retrouve notamment dans les murs voisins du donjon. C’est sans doute dans cette partie de l'édifice que consistait uniquement le château primitif, forteresse bien secondaire (Castellio), dont le nom est demeuré à Chatillon, même après que son importance se fut accrue.
Ce monument du XIe siècle fut levé sur un plan rectangulaire, presque carré; mais au XIIIe siècle, la construction du donjon vint occuper une partie de son emplacement. Un mur le divise, dans le sens longitudinal, en deux parties principales, subdivisées elles-mêmes, dans le sens transversal, par des murs de refend. La salle, qui regarde la vallée de l’Azergues, était éclairée par une fenêtre très large, relativement à sa hauteur, et divisée en deux baies par un meneau central fort léger supportant une double arcade trilobée.
Cette fenêtre n’a été ouverte qu‘au XIIIe siècle. Mais les deux portes à plein cintre, donnant accès dans cette partie du monument, et ouvertes, l’une sur la façade orientale, et l‘autre au nord sur l’esplanade du château, appartiennent bien a la construction primitive. Elles sont du reste fermées depuis longtemps.
On pénètre aujourd’hui dans le château par une étroite porte vulgaire, placée a l’angle de la chapelle, et sur laquelle on voit sculptées les armes des Balzac supportées par deux lions mutilés. On traverse ainsi l'esplanade, qui s‘étendait au nord-est du château, pour entrer dans l’enceinte intérieure par une porte ogivale, défendue par un moucharaby, dont il ne reste plus que les deux consoles en pierre qui le supportaient. Cette porte devait être précédée autrefois d’un fossé dont on ne voit plus de traces. Au surplus elle n'a été ouverte qu’au XIVe siècle seulement, dans le mur de l’enceinte primitive, dont l’âge est indiqué par la forme de l’appareil en arêtes de poisson.
Cette entrée s'ouvrait dans un corps de bâtiment carré; deux portes la fermaient, l’une a l’intérieur, l’autre a l’extérieur, disposition fort ordinaire qui permettait d’accabler les assaillants sous les projectiles lancés par une ouverture pratiquée dans la voute. Rien n’indique l’existence d'une herse; mais on aperçoit toujours dans les jambages des portes les trous des barres de bois transversales qui servaient à les fermer. A droite de la porte d’entrée, on vous montre une pièce voutée, en forme de trapèze, qui servait, dit-on, de prison. On remarque encore dans le mur la place de trois anneaux de fer enlevés récemment; des dessins bizarres tracés sur les murailles sont l’œuvre des prisonniers.
A gauche de l`entrée, se trouve la descente d'un souterrain qui avait, suivant la tradition, une issue au loin dans la campagne. On rencontre fréquemment de semblables galeries dans les châteaux féodaux. Mais en pénétrant dans le souterrain de Chatillon, on peut s’assurer qu’il est fermé aujourd’hui et qu’il présente seulement la forme d’une simple cave voutée de 7 à 8 mètres de profondeur, placée au-dessous de la partie la plus ancienne du château. Enfin, au milieu de la cour, en face de la porte d'entrée, se trouvait un puits d’une grande profondeur comblé aujourd'hui par les décombres.
Le donjon, de forme cylindrique, occupe l'angle occidental du château primitif et semble avoir été la première construction ajoutée à la forteresse du XIe siècle par les seigneurs de Chatillon. Ce donjon appartient au XIIIe siècle; sa forme est bien celle des tours cylindriques de cette époque. Il en est d’ailleurs fait mention déjà dans la charte de franchises de 1260, où nous voyons que, si les habitants de Chatillon étaient tenus de travailler aux réparations du château, où ils pouvaient trouver un asile en temps de guerre, aucun travail ne leur était imposé pour le donjon, qui servait exclusivement de retraite au seigneur. Observons cependant qu`une tour hexagonale qui lui est adossée au nord et qui renfermait un escalier desservant à la fois le donjon et les bâtiments d’habitation, est une construction bien postérieure qui ne remonte peut-être qu‘au XVe siècle, époque où l'on vit fréquemment de ces tours accessoires appliquées contre une autre, pour desservir les principales pièces du donjon.
Cette tour du donjon, qui est fort bien bâtie, a. près de 30 mètres de hauteur. Elle mesure 9 mètres 50 centimètres de diamètre hors d’œuvre et ses murailles ont 1 mètre 50 centimètres à la base. Le rez-de-chaussée, où l’on pénètre à l’intérieur du château par une porte de forme carrée, était séparé du premier étage par une voute qui n’existe plus, tandis qu’un simple plancher divisait les deux étages supérieurs. Un passage étroit qui existait entre le donjon et la façade méridionale, aboutissait à un escalier extérieur, de 70 centimètres seulement de largeur, conduisant au premier et au second étage. De ce dernier étage, on accédait au sommet du donjon par un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur. Ainsi nous retrouvons dans le donjon de Chatillon le même système de défense que dans les forteresses les plus célèbres du temps: deux issues, l’une apparente, et l‘autre dérobée; des passages étroits qui permettaient à quelques hommes résolus de se défendre contre une troupe nombreuse; une rampe raide et exigüe conduisant à une poterne très-élevée au-dessus du sol et ouverte du coté de l’escarpement. Tout était établi de la sorte en vue d'une lutte pied à pied, et l'ennemi pouvait s‘emparer du rez-de-chaussée du donjon sans parvenir à réduire ses défenseurs autrement que par la famine. Des créneaux et des hourds, sortes de balcons en bois qui permettaient de lancer à couvert des projectiles au pied même des remparts, devaient couronner autrefois cette belle tour; mais il n’en reste plus de traces; le toit conique, qui surmontait l’édifice, s'est écroulé, et il ne subsiste plus aujourd’hui que la voute en forme de calotte hémisphérique du sommet, que des arbustes recouvrent d’un vert manteau de feuillage. A la suite du donjon se trouvaient les bâtiments d'habitation, dont les belles fenêtres à croisillons s‘ouvrent sur la vallée de l’Azergues. Cette partie du monument, qui date seulement du XVe siècle, est la moins ancienne du château; mais c'est aussi la plus ruinée. Il semble que la beauté des matériaux ait tenté davantage les démolisseurs; on y remarque encore néanmoins de belles cheminées de la dernière époque du style ogival.
Les anciens appartements seigneuriaux n’étaient séparés que par un étroit passage de deux tours assez bien conservées. La première, de forme semi-cylindrique, est recouverte d'une voute à nervures et mesure 6 mètres dans œuvre. Deux planchers la divisaient en deux étages. La pièce du premier étage, où l’on arrivait par un chemin en pente qui contournait le coté circulaire de la tour, servait autrefois de salle de justice. Cet ancien auditoire, éclairé par une unique fenêtre donnant sur la cour, a conservé une belle cheminée en pierre sculptée du XVe siècle; sur les murs on remarque aussi des restes de peintures, représentant des palmiers ou de grandes fougères.
En face de cette salle, et séparée seulement par le vestibule de l’escalier, se trouve celle du rez-de-chaussée de la tour carrée qui domine la vallée. Cette tour, de forme rectangulaire, mesure seulement 3 mètres sur 4 dans œuvre. Au milieu de cette pièce, qui est éclairée par une fenêtre à croisillons, existe une ouverture béante de 60 centimètres de largeur. La tradition fait de ce souterrain les oubliettes du château, espèce de puits ou de fosse où l’on descendait vivants des prisonniers (destinés à mourir de faim). Mais comme ce souterrain, à moitié comblé de pierres, n’a plus que 5 mètres de profondeur, et qu'il a, en largeur, les mêmes dimensions que la salle supérieure, il est impossible d’affirmer que telle était bien sa destination. On sait combien il faut se défier de ces attributions légendaires, mises en vogue par nos romanciers modernes, dont les récits saisissants altèrent trop souvent la vérité des faits historiques. L’observation la plus éclairée etl a plus attentive a rarement constaté l‘existence de véritables oubliettes. Il est vrai que l’on rencontre souvent des tours renfermant des salles obscures dans lesquelles on ne pouvait pénétrer que par une ouverture pratiquée au milieu de la voute. Mais il y a loin des oubliettes à ces pièces souterraines, qui servaient seulement de caves et de magasins où l’on conservait les provisions du château. Cette destination était fort commune.
Mais il en est une autre qui nous parait plus certaine encore: La tour carrée du château de Chatillon jouait un rôle important dans le système de défense de la place. A l’angle oriental de la salle du rez-de-chaussée s’ouvrait un moucharaby qui commandait l‘entrée de la poterne du chemin de ronde de l’enceinte inférieure. Au premier étage, venait aboutir un autre chemin de ronde qui régnait tout autour des remparts du château. Enfin du sommet de cette tour, on pouvait surveiller aisément la vallée de l’Azergues et défendre l’accès du fossé qui protégeait la forteresse du coté de l’ouest. Or, l'étage souterrain de la tour servait a compléter ce système défensif, et voici comment: On pourrait croire au premier abord, que des tours pleines, dans leur partie inférieure, devaient mieux résister aux attaques des assiégeants, et les constructeurs des premiers temps de la féodalité l'avaient pensé ainsi. Mais on reconnut bientôt que les tours pleines facilitaient le travail de la sape ou de la mine; les assiégeants creusaient leurs galeries sous les fondations des tours, puis ils les faisaient écrouler en mettant le feu aux étais, sans que les défenseurs de la place pussent arrêter la marche de ces travaux en creusant une contre-mine. C‘était donc la partie inférieure des remparts qu’il convenait surtout de défendre. Pour cela on établit dans les tours des étages jusqu’au niveau des fossés, et l’on put désormais détruire les galeries de l’ennemi au moyen d'autres travaux souterrains, ou bien défendre l’approche du pied des remparts en lançant des traits horizontalement par les meurtrières inférieures, et même, au besoin, rendre inutile le travail des assiégeants, en élevant un second mur derrière la brèche qu’ils auraient pu pratiquer an pied des remparts ou des tours.
Telle était, sans aucun doute, la véritable destination du souterrain, que l'on est convenu d'appeler les oubliettes du château de Chatillon. Ajoutons, au surplus, qu’il est d’autant plus difficile de croire en la tradition romanesque que nous combattons, qu'il est certain que la tour carrée de Chatillon, appartient comme la tour voisine, à l’architecture du XVe siècle. Or l'on sait que déjà, à cette époque, la rigueur des peines s’était bien adoucie, et que le contrôle de la justice royale avait fait disparaitre des juridictions seigneuriales tout ce qu’elles pouvaient avoir d’arbitraire.
Revenons à la description du château. L'escalier, placé entre les deux tours, servait à chacune d’elles. Le toit de la tour carrée, aussi bien que le plancher du deuxième étage, se sont effondrés depuis longtemps, mais on peut toujours arriver au sommet de la tour semi-cylindrique, dont la voute a résisté à toutes les injures du temps. Toute la partie nord du château est dans un état de ruine presque complet. Seuls les murs d'enceinte ont été épargnés et leurs fenêtres à croisillons nous apprennent que là aussi existaient des bâtiments d’habitation. Une tourelle cylindrique, découverte, bâtie en encorbellement à l’angle nord-est des remparts et destinée à faire le guet et à défendre a la fois la courtine du nord et la porte d'entrée du château, conserve aussi toujours entière sa couronne de créneaux. Depuis longtemps l'escalier qui y conduisait est détruit, et c’est ainsi que la main de l‘homme l’a épargnée.
Au pied de cette tourelle commence la ligne des remparts qui enveloppaient à la fois le bourg de Chatillon et la seconde enceinte du château. Une partie de ces murs parait fort ancienne; nous y retrouvons, en effet, en plusieurs endroits, l’appareil en forme d’arêtes de poisson, que nous avons remarqué dans la partie du château remontant au XIe siècle. Un chemin de ronde muni d’escaliers, sur les plans inclinés, en suivait partout le sommet; mais il est détruit aujourd'hui. De la plaine, ces remparts remontaient la colline ou après s’être reliés à l’enceinte de l’esplanade, ils venaient aboutir à l’angle de la tour carrée du château, où nous avons vu qu'un moucharaby commandait l’entrée du chemin de ronde et de la poterne destinée au service de la garnison.
Nous retrouvons à Chatillon la trace des principales familles qui l’ont possédé à toutes les époques. La partie la plus ancienne du château, l’antique Castellio, est sans doute l'œuvre de la famille de Chatillon qui lui emprunta son nom. Après elle, viennent les seigneurs d'Oingt, maison puissante qui a bâti Bagnols et le château du Bois d‘Oingt. A Chatillon elle élève le fier donjon que nous admirons encore. Les d’Albon agrandissent l'enceinte de la forteresse. Mais sous cette famille, Chatillon traversa des mauvais jours. Thibaud, premier du nom, l’assiège, le prend et s’empare de ce qu’il renfermait de plus précieux. Son successeur, appelé aussi Thibaud, dépouille le vieux manoir au profit de Bagnols, et le laisse tomber en ruine, en haine de son fils ainé, Guichard. Ce fut à son petit fils, Antoine d’Albon, qui lui succéda, à commencer l’œuvre de restauration. Alors s‘élève la salle de justice et la tour qui commande la vallée.
Les Balzac continuent son œuvre en bâtissant l'habitation seigneuriale. Les guerres nationales contre les Anglais sont finies, et la sécurité qui règne dans nos campagnes permet d’ouvrir de larges fenêtres, non seulement du coté de l’escarpement, mais encore sur les fossés du nord. L’amour du bien-être et du luxe s’est développé, et sous le dernier des Balzac le vieux manoir arrive a un degré de splendeur qu'il ne connut plus jamais. Le noble seigneur veut une chapelle digne de lui et il fait édifier la riche façade qui subsiste encore.
A l’intérieur, les murs de Chatillon se couvrent de peintures, à l’extérieur de riches ornements sculptés. Tout est approprié au besoin de la vie luxueuse de l’époque. Aussi Geoffrey de Balzac affectionne-t-il Chatillon, et c’est là qu‘il vient oublier les grandeurs de la cour royale et choisir sa sépulture.
Possesseurs de plusieurs demeures seigneuriales, les Camus habitèrent rarement Chatillon. Il en fut autrement de Gaspard, le dernier d'entre eux; un titre de la fin du XVIIe siècle nous apprend qu'il n’avait pas d’autre demeure que le château de Chatillon. Mais les beaux jours de la forteresse féodale expirent avec ce seigneur. Les gentilshommes du XVIIIe siècle ne peuvent s'accommoder de l’habitation du vieux manoir.
Les Pramiral construisent Bayere sur un plan tout moderne et Chatillon est abandonné aux officiers de justice de la seigneurie et au geôlier de la prison. » Les murs du château sont fort anciens, et il se compose d’un logement fort modique.» dit Camille de Pramiral dans son aveu de fief du 31 juillet 1732. Un quart de siècle s'écoule, et l'avant-dernier seigneur de Chatillon nous apprend dans son aveu de 1758 que le château est devenu inhabitable.
La révolution de 1789 eut donc peu a faire pour compléter l’œuvre de destruction. Depuis cette époque, ses possesseurs n’ont pas épargné le vieux manoir, et surtout les parties modernes les mieux bâties. Les plus beaux matériaux, les cheminées les plus élégantes, les grillages de fer des fenêtres eux-mêmes, tout a été enlevé. Le droit de propriété est sans doute absolu. Mais à une époque où existe, à un si haut degré, le respect de nos monuments historiques, il nous est bien permis de donner un regret à ces dévastations accomplies froidement et presque sans profit pour leurs auteurs. L’œuvre des siècles, déjà si avancée, sera bien assez vite accomplie. Mais au moins si la main de l’homme ne lui vient pas en aide, il nous sera permis d’admirer longtemps encore-ces ruines vénérables.
C’est qu‘en effet, malgré les outrages du temps et des hommes, le château de Chatillon n’a point perdu ce caractère de grandeur, qui le plaçait jadis au premier rang parmi les châteaux forts destinés à la défense de la fertile vallée de l’Azergues.
Quand, au détour du chemin, le vieux manoir apparait a vos regards avec ses masses imposantes, on s'arrête étonné devant ce fier donjon qui nous révèle la puissance des hauts barons qui en firent leur demeure. Bâtie avec cette pierre de couleur jaune ocrée que fournissent abondamment les environs de Chatillon, l’antique forteresse n'a point l'aspect triste et mélancolique que présentent d’ordinaire les ruines. Contemplez, des coteaux qui bordent la rive droite de l'Azergues, ces hautes tours qui se profilent hardiment sur l’azur du ciel; voyez-les, aux premiers rayons du soleil levant, se colorer de cette teinte puissante qui défie le pinceau de plus d’un artiste, et que l‘on ne retrouve dans aucun de nos monuments les plus célèbres, et vous comprendrez ce que devait être le château de Chatillon au temps de sa splendeur.
Il semble alors que tout n'est pas mort dans cette enceinte silencieuse, et l’imagination se plait a lui rendre et sa couronne de créneaux et les hommes d’armes qui veillaient jadis in sa défense. On croit voir briller, au sommet de ses remparts, l'armure des chevaliers; on croit entendre l’appel aux armes des sentinelles; la herse se baisse devant les assaillants; le clairon sonne; les échelles se dressent contre les murs de la forteresse; écoutez les cris des combattants, c‘est l’assaut avec toutes ses fureurs; voyez la bannière du vainqueur qui flotte sur la plus haute tour; C'est Thibaud d'Albon, un rude batailleur, qui vient d‘enlever à son neveu, encore enfant, le château de ses ancêtres ....
Tels sont les souvenirs que l'on évoque devant ce monument d'une génération qui nous étonne souvent par la grandeur de ses œuvres, Mais ce qui ajoute encore aux beautés de Chatillon, c’est son admirable position, c’est le charmant paysage qui l’entoure, c`est l'aspect pittoresque de son vieux bourg qui semble toujours s‘abriter au pied de la vieille forteresse démantelée. Depuis longtemps le nouveau village a brisé l’étroite ceinture de ses remparts pour s'étaler dans la plaine. Mais ni le luxe moderne, ni l'amour du bien-être n’ont pu transformer encore entièrement le vieux bourg féodal. Quand on parcourt ses rues étroites et tortueuses, on retrouve toute une civilisation éteinte dans ces maisons, aux portes surbaissées, aux fenêtres à meneaux, qui surplombent la voie publique. Ici, un blason mutilé, plus loin, quelque débris informe des splendeurs de la demeure seigneuriale. On passe sous quelque porte chancelante, on suit des passages étroits et parfois sans issue, et l’on arrive ainsi au vieux château, à travers des monceaux de ruines et les souvenirs de vingt générations.
Et maintenant, voulez-vous avoir une idée complète de tout cet ensemble, montez au sommet de la tour de justice et voyez le tableau qui se déroule a vos regards. A l'ouest, les montagnes de Tarare, au midi, la chaine de l’Iseron, à l’est, les sommets des Monts-d'Or lui servent de cadre. Rien de plus varié que l'aspect des campagnes qui s'étalent à vos pieds. Rien de plus harmonieux que les lignes pleines de mollesse de ce riche paysage. Dans les prés et les saulées, coule l’Azergues , entre deux rives plantées d'aulnes et de peupliers ; sur les coteaux couverts de vignes et de bois, les hameaux et les fermes s’étagent d'une manière pittoresque. Puis, tout à coup, apparait, à travers le feuillage, quelque débris de l’âge féodal.
Là-bas, c’est Chessy, avec ses mines que posséda Jacques Cœur et sa belle tour que fit bâtir le monastère de Savigny, pour protéger les hommes de ses domaines. En face, Courbeville, l'antique demeure des de Varennes. Plus loin, le Breuil qui cache sous les arbres de la vallée les sombres remparts de son vieux château. Plus loin encore, la Flachere, création moderne d’un maitre qui 's’est inspire de toutes les beautés de l’art ogival. Plus près, Sandars, avec son élégante tourelle. En face, l’humble chapelle d‘Amancey, avec son campanile roman. Enfin à l’est, derrière ce rideau de peupliers, on devine Dorieux, qui n’a conservé de son importance passée que les ruines de son vieux pont, et le souvenir de son noble monastère. On comprend ainsi que depuis longtemps la vallée de l’Azergues soit chère a nos artistes. Aussi que d’études gracieuses n'a-t-elle pas inspirées!
Mais aujourd’hui que le chemin de fer vous conduit à 3 kilomètres de Chatillon, ce ne sont plus seulement les peintres et les archéologues qui fréquentent le vieux bourg et ses alentours. Sa réputation s’est répandue au loin et, chaque dimanche, Lyon lui envoie une foule de visiteurs, pour admirer sa chapelle romane du XIIe siècle et les remparts mutilés de son château.
Posté le 29-10-2008 12:47 par Jimre