Viverols
Viverols
La terre de Viverols, qui était une des quatre châtellenies du Livradois, avait pour vassaux : le Grand Prieur d’Auvergne, les seigneurs de Montravel, de Vertamy, de Fraissonnet, de Croz, de Montcelard, du Cluzet et du Chassaing.
Au XIe siècle, Viverols appartenait aux de Baffie, vieille famille d’Auvergne, probablement originaire du Velay. Marcellin Boudet faisait descendre cette famille des SEMUR en Brionnais. Dalmas de Baffie possédait cette seigneurie en 1070.
Éléonore de Baffie (1244-1285 ou après), dame du Livradois et d'Ambert, Riols et Marsac, Usson, Beauzac..., fille de Guillaume II le Vieux sire de Baffie et d’Eléonore du Forez, resta seule héritière de cette puissante maison à la mort de son frère Guillaume III de Baffie (vers 1273 ?) et de leur sœur Béatrix († 1249 ou avant). L’abbé Louis-Jean-Joseph Grivel, dans ses Chroniques du Livradois, nous parle longuement de cette aimable personne et nous la présente comme une sainte. Éléonore épousa Robert V, comte d’Auvergne. Elle eut beaucoup à souffrir du caractère inégal de son mari, celui-ci fut excommunié pour avoir fait emprisonner Imbert de La Tour, chanoine de Paris.
À la mort d’Éléonore (1285), la terre de Viverols entra dans le domaine des comtes d’Auvergne et y resta un siècle. Jean II, comte d’Auvergne au XIVe siècle vendit Viverols à Morinot de Tourzel, seigneur d’Allègre, chambellan du roi. Morinot eut pour fils Yves Ier et pour petit-fils Jacques d’Allègre.
Yves II, fils de Jacques, qui fut lieutenant-général des armées de Charles VIII et de Louis XII, mourut glorieusement à Ravenne en 1512 ; il était seigneur de Viverols en 1510. Le troisième fils d’Yves II, Christophe, qui épousa en 1530 Madeleine Le Loup de Beauvoir, devint ensuite possesseur de Viverols. Il eut pour fils Gaspard, chevalier de l’Ordre du roi, marié à Charlotte de Beaucaire, la sœur de Marie.
La terre de Viverols resta dans la maison d'Allègre jusqu’au XVIIe siècle. En 1665, Claude d'Allègre, marquis de Beauvoir, fit un échange avec François d’Aurelle, marquis de Colombine. Claude prit la moitié du domaine de Crest et François d’Aurelle devint seigneur de Viverols. Jeanne Henriette d’Aurelle, héritière de cette maison, épousa au début du XVIIIe siècle Joseph de Montagut, comte de Bouzols, inspecteur général de la cavalerie.
Les Montagut (d'origine vivaraise, à St-Marcel) gardèrent leur terre jusqu’à la Révolution. Cette famille possédait le beau château de Bouzols dans la vallée de la Loire, à quelques kilomètres du Puy, et les châteaux de Plauzat et de Montravel en Auvergne ou d'Alba en Vivarais. Les Montagut séjournaient peu à Viverols, ils habitaient surtout à Plauzat, cependant ils ne délaissèrent pas tout à fait leur vieux manoir du Livradois, puisqu’ils y firent d’importantes réparations en 1740.
Vers le milieu du XVIIIe siècle, la famille de Montagut s’allia par mariage à la famille de La Salle ; de cette union naquit Joachim de Montagut, dernier seigneur de Viverols. En 1783, il épousa Anne-Pauline de Noailles, fille du duc d’Ayen et arrière-petite-fille, par sa mère, du chancelier d’Aguesseau.
Il ne reste plus du château de Viverols que des ruines, mais ces ruines ont encore belle allure et donnent à ce petit coin d’Auvergne beaucoup de caractère. L’emplacement de cette forteresse avait été judicieusement choisi. La butte de Viverols se trouve en effet placée à un point stratégique important au débouché de la vallée de l’Ance, à proximité de la route allant d’Ambert à Craponne-sur-Arzon et à Usson-en-Forez.
Il est difficile de préciser la date à laquelle on commença à construire le château. Il est probable qu’avant l’édification de la forteresse, dont on voit aujourd’hui les ruines, il y eut au sommet de la colline une tour à motte comme il en existait aux Xe et XIe siècles. D’après certains renseignements, dont on ne peut garantir l’authenticité, une première forteresse aurait été élevée au XIe siècle par un certain Jacob de Viverols. Elle aurait été détruite sur ordre de Louis VII au XIIe siècle par le baron d’Urfé, puis reconstruite au XIIIe siècle par les Baffie.
Le plan général du château est pentagonal. De profonds fossés entouraient jadis les bâtiments seigneuriaux, les écuries, les communs ; ces fossés sont malheureusement comblés. Au sud et à l’ouest, la forteresse profitait d’une défense naturelle, la colline est de ce côté-là très abrupte et il est difficile de l’aborder. Au contraire, à l’est et au nord, le terrain s’en va en pente douce et l’accès au château est aisé, aussi de ce côté-là éleva-t-on de fortes murailles flanquées de trois tours rondes.
La chapelle du château se trouvait sur le prolongement des bâtiments seigneuriaux, elle était dédiée à sainte Anne. C’était une petite construction de forme carrée, elle a entièrement disparu, c’est à peine si l’on en aperçoit les fondations.
Au sud, deux terre-pleins, disposés en gradins, marquent les emplacements des enceintes primitives, une curieuse poterne malheureusement obstruée permettait de passer de l’enceinte supérieure dans celle inférieure. On appelle cet endroit les Murettes.
Les tours sont du XIIIe siècle. Celle qui fait face au nord-est a perdu son couronnement, elle peut avoir encore 10 ou 12 mètres de haut, les murs qui ont deux mètres d’épaisseur sont construits en appareil irrégulier. On pénètre à l’intérieur par une petite porte basse dont le tympan semi-circulaire repose sur deux consoles moulurées. Au rez-de-chaussée se trouve une salle voûtée en coupole, une ouverture pratiquée dans le sol, donne accès à une salle souterraine. Naturellement on « décore » ce réduit du nom d’ «oubliettes », il s’agit en réalité d’une réserve à vivres…
La tour suivante qui fait face au nord présente un dispositif analogue à celui de la tour nord-est, même porte basse, même salle voûtée, même réduit souterrain. Un étroit escalier permet d’arriver au sommet. Cette tour fait une quinzaine de mètres de hauteur. On remarque, percées dans l’épaisseur du mur, de belles archères et près du sommet, les trous carrés marquant l’emplacement des hourds.
Il ne reste plus rien de ces merveilles, les bâtiments seigneuriaux sont en ruines à présent. La partie du château la moins en ruine se trouve à l’ouest. Il existe encore un bâtiment de 35 mètres de long et de 6 à 8 mètres de large dans lequel on remarque cinq salles voûtées, ces salles sont en bon état mais elles n’ont aucune décoration. C’est là que logeait la garnison de la forteresse.
En face de cette construction, on peut voir un beau puits du XVIe siècle, il était jadis profond, mais les gamins du village à force d’y lancer des pierres l’ont peu à peu comblé. Ce puits est orné de blasons, on distingue celui des Tourzel et de Le Loup.
La troisième tour, celle du nord-ouest, est démolie, elle renfermait des salles voûtées et un escalier à vis. La porte d’entrée du château fait face à l’est, elle était défendue par une herse. On voit encore les rainures des chaînes du pont-levis, et au sommet, des restes de mâchicoulis et une sorte de gargouille représentant un animal. À gauche se trouve le bâtiment du corps de garde qui est fort délabré, à l’angle sud, il y avait une élégante échauguette, il en subsiste une partie. L’ensemble de cette partie ne paraît pas antérieur au XVe siècle.
La porte une fois franchie, on pénètre dans la cour, celle-ci est divisée en deux par un édifice de plan polygonal datant de la fin du XVe siècle, c’est là qu’étaient les écuries ; quarante chevaux pouvaient sans peine y être logés. Autrefois ce bâtiment n’était pas isolé, il était rattaché aux constructions du sud et un passage voûté donnait accès à la seconde cour. On voit encore très distinctement l’amorce de la voûte et le pavement du passage.
La « Maison du Maître » était au sud, défendue extérieurement par une tour semi-cylindrique qui subsiste. Cette partie du château fut remaniée aux XVe et XVIe siècles, les fenêtres étroites furent remplacées par de jolies ouvertures Renaissance à meneaux, les salles furent décorées avec goût. Il existait, paraît-il, à Viverols de forts beaux plafonds à caissons dorés qui faisaient l’admiration des visiteurs.
Les seigneurs de Viverols
Les de Baffie
1. Guillaume Ier de Baffie,
2. Dalmas Ier
3. Dalmas II
4. Dalmas III
5. Guillaume II
6. Dalmas IV
7. Guillaume III dit le Vieux (ca 1180-1250) époux d'Eléonore de FOREZ, première mention du château de Viverols en 1219.
8. Guillaume IV dit le Jeune époux d'Eléonore de MONTBOISSIER
En 1260, les châtellenies du Livradois deviennent possessions de la Maison d'Auvergne.
Les comtes d'Auvergne
9. Robert V, comte d'Auvergne (1247-1277) époux d'Eléonore de BAFFIE (1210-1285), sœur de Guillaume IV mort sans postérité.
10. Guillaume XI, comte d'Auvergne (1277-1280)
11. Robert VI, comte d'Auvergne (1280-1314)
12. Robert VII, comte d'Auvergne (1314-1325)
13. Guillaume XII, comte d'Auvergne (1325-1332
14. Jeanne, comtesse d'Auvergne (1332-1360) et de Boulogne, dame de Viverols épouse de Jean II, Roi de France dit Jean le Bon (1319-1364)
15. Jean Ier, comte d'Auvergne (1361-1386)
16. Jean II, comte d'Auvergne (1386-1404) dit le mauvais Ménagier qui aliéna les châtellenies du Livradois à Morinot de Tourzel.
Les Tourzel d'Allègre
17. Morinot de Tourzel chevalier, baron d'Allègre. Il épouse en 1387 Smaragde de Vichy dame de Puysagut et de Busset.
18. Yves Ier de Tourzel baron d'Allègre. Reçoit Charles VII à Allègre en janvier 1425. Il épouse le 28 août 1428 de Marguerite d'Apchier.
19. Jacques Ier de Tourzel d'Allègre, baron d'Allègre fils aîné d'Yves Ier. 1442, mort avant 1493. Il épouse Gabrielle de Lastic le 1er juin 1454 (morte avant 1472).
20. Yves II dit Yves le Grand , baron d'Allègre. Né vers 1452, mort à Ravenne 12 avril 1512. Époux en 1474 de Jeanne de Chabannes (sœur de Jacques de Chabannes sgr de la Palisse, maréchal de France mort à Pavie en 1525).
21. Christophe II d'Allègre sgr de Viverols, épouse en janvier 1530 de Madeleine Le Loup dame de Beauvoir, fille de Blain Le Loup sgr de Beauvoir, et de Paule du Puy.
22. Gaspard d'Allègre sgr de Viverols, Beauvoir, Baffie, Saint-Marcel-en-Forez, chevalier des Ordres du Roi, sénéchal du Poitou, mort avant 1610. Époux en mai 1564 de Charlotte de Beaucaire.
23. François d'Allègre sgr de Viverols et de Beauvoir. Il est époux le 23 avril 1598 de Madeleine d'Allègre fille de Christophe Ier de Tourzel et d'Antoinette du Prat, petite-fille du cardinal-chancelier Duprat.
24. Gaspard II d'Allègre, sénéchal d'Auvergne. Il épouse le 6 mars 1628 Marie d'Estaing, fille de Jean vicomte d'Estaing et de Catherine de La Rochefoucaud-Barbezieux, sgr de Ravel.
25. Claude d'Allègre, est titré marquis de Beauvoir, comte de la Creste, Martigny, comte de Saint-Marcel-en-Forez, baron de Viverols, sénéchal d'Auvergne.
En 1665, Claude d'Allègre échange sa terre de Viverols avec François d’Aurelle, marquis de Colombine.
Les d’Aurelle de Colombine
26. François d’Aurelle, marquis de Colombine, baron de Viverols époux de Catherine d’Aurelle.
27. Jean III d’Aurelle né le 13 novembre 1645. Il épouse en 1676 Charlotte de la Tour Saint Vidal de Rochefort d'Ally
Les de Montagut
28. Jeanne Henriette d’Aurelle épouse vers 1700 Joseph de Montagut de Beaune né en 1667 et mort en 1740.
29. Timoléon-Joachim-Louis de Montagut né en 1713, marquis de Bouzols, maréchal de camp, lieutenant général au gouvernement de la Basse-Auvergne et pays de Combrailles époux de Laure de Fitz-James, dame du palais de la Reine, petite-fille de Jacques II Stuart, roi d'Angleterre.
30. Joachim-Charles de Montagut de Bouzols époux de Marie Hélène de Callebot de La Salle, lieutenant général des armées du roi et de la Basse-Auvergne, gouverneur d’Usson. Cet arrière-petit-fils du roi Jacques II Stuart — et par là descendant d'Henri IV dont Jacques II était le petit-fils maternel — sera le dernier seigneur de Viverols…
Source:
- article sur Wikipedia
Posté le 12-12-2019 20:08 par Jimre
Viverols
Après l’An Mille, les comtes d’Auvergne perdirent l’essentiel de leur pouvoir en Livradois et cédèrent la place à d’autres seigneuries. Parmi celles-ci emergèrent bientôt deux lignages particulièrement puissants, peut-être d’origine vicomtale, qui imposèrent leur domination à de nombreux villages : les Montboissier, entre Allier et Dore, et les Baffie, dans le fossé d’Ambert et sur les pentes du Forez.
C’est à ces derniers qu’appartenait la châtellenie de Viverols, à l’extrémité méridionale d’un vaste territoire dont ils s’étaient rendus maîtres à partir de leur château éponyme de Baffie, et qui incluait notamment les forteresses d’Ambert, de Riols et de Marsac.
Si puissants qu’ils aient été, ils durent néanmoins, au cours du XIIIe siècle, se placer dans la suzeraineté des évêques de Clermont afin d’échapper à l’influence plus contraignante du pouvoir royal, lequel à cette époque, se manifestait à nouveau en Auvergne.
A Viverols, dans la vallée de la Ligonne, les seigneurs de Baffie ont su tirer partie d’un très vieil itinéraire, sans doute antérieur, au Moyen-Âge, qui mettait en relation les bassins de l’Ance et de la Dore, par le col de Chemintrand. C’est en effet un village complètement neuf qu’ils ont créé sur ce point de passage en fondant, une église, un marché et un château couronnant et contrôlant le tout.
Si l’église romane a disparu, remplacée au XIXe siècle par un édifice plus grand, le village est toujours dominé par le château avec son imposante enceinte du XIIIe siècle, le plus grand vestige féodal de l’Ambertois.
L’enceinte pentagonale, dont chaque coté mesure une bonne cinquantaine de mètres, et les deux tours découronnées, constitue les parties les plus anciennes du château, qui a fait l’objet d’importants remaniements à la fin du Moyen-Âge. La construction est soignée, ainsi qu’en témoignent par exemple les escaliers aménagés dans l’épaisseur des murs des tours, la porte fortifiée ou les corbeaux de l’ancien mâchicoulis.
Posté le 24-11-2019 10:22 par Jimre
Viverols
Le château de Viverols, la forteresse apaisée
La forteresse est là, au bout du chemin, dominant le village tout aussi médiéval qu’elle. En venant du nord, des plaines du Forez comme de la Limagne, il suffit de suivre les cours d’eau, tous orientés vers le midi, pour trouver au détour d’une confluence les vestiges de ce puissant château et comprendre l’importance aussi bien stratégique qu’économique qui fût la sienne. L’édifice en impose sur son promontoire que borde, à l’ouest, la Ligonne, et à l’est un ruisselet au nom évocateur le Merdary…
Aussi loin que remontent les sources documentaires, le lieu apparait habité. La fertilité du sol, l’abondance des eaux et du gibier, la sécurité de l’endroit servie par un relatif isolement fixèrent des populations paysannes que les seigneuries environnantes s’efforcèrent très vite d’encadrer. C’est du moins ainsi qu’il faut comprendre le premier texte, vers 1095, mentionnant la terre de Viverols. Dans cet acte en forme de donation, l’évêque d’Auvergne Guillaume de Baffie propose d’édifier une église, donc une paroisse, d’instituer un marché et de transférer le tout au couvent clunisien de Sauxillanges, récemment fondé. Le dynamisme d’une population rurale avait donc généré un site d’habitat avant que les autorités constituées ne s’en mêlent. Mais un village ainsi reconnu appelait une protection et bientôt, s’érigeront sur le puy le dominant, à l’emplacement même du château actuel, des installations défensives, sous la forme d’une motte féodale.
Bientôt, l’Histoire va faire de cette contrée une zone de fracture, du moins de tension, entre les influences lointaines mais grandissantes des comtes de Toulouse, des ducs d’Aquitaine et des rois capétiens. Les ralliements à ces puissances tutélaires diviseront constamment les seigneuries locales, celles d’Auvergne ou de Clermont, notamment, entre lesquelles la châtellenie de Viverols sera toujours disputée.
Aujourd’hui encore, situé à la croisée de trois départements (Puy de Dôme, Loire et Haute Loire), Viverols offre avec ses tours massives d’une rigueur toute septentrionale, et les couleurs chaudes de ses pierres, les nuances d’un pays de transition.
Dès le Xe siècle, la terre de Viverols relève d’une seigneurie importante ralliée aux comtes d’Auvergne. Elle le doit à la famille Baffie, déjà propriétaire d’un château éponyme situé à quelques kilomètres au nord-ouest de Viverols. Cette puissante famille, par ses alliances matrimoniales, son tempérament hardi et son sens des affaires, n’aura de cesse de faire croitre son domaine tant par ses engagements vertueux (croisades), que par des querelles douteuses avec le voisinage. C’est probablement au XIIIe siècle que le château prend une allure nettement guerrière, c’est-à-dire qu’il se dote de tours imposantes pour marquer ostensiblement sa puissance et qu’il s’adjoint surtout une enceinte pour fournir une protection à sa mesnie, ses familiers et ses obligés.
A cette époque-là, ont lieu ce que l’on a nommé « les guerres du Forez », résultant de la rivalité entre Guillaume de Baffie, dit « le Vieil » et le comte du Forez et de Lyon, Guy IV d’Outremer. Comme dans la plupart des différents de l’époque, des revendications territoriales en étaient la cause. Guillaume III de Baffie avait en effet épousé Eléonore de Forez et acquis à ce titre des terres foréziennes situées dans le Roannais. En 1206, à la mort de son beau-père, le fils de ce dernier, Guy IV, fils né en seconde noce, devint comte de Forez et revendiqua aussitôt les terres appartenant à Eléonore, sa demi-sœur. Guillaume refusa, au nom du droit d’ainesse de son épouse. Il en résulta une guerre de cinquante ans où alternèrent trêves et batailles, les liens vassaliques compliquant la situation.
D’autres conflits sévissaient en effet dans la région entre les seigneuries voisines, qui se greffèrent sur cette « querelle d’héritage » (guerre civile entre le comte d’Auvergne et son propre frère l’évêque de Clermont ; conflit entre Thiers et les sires de Beaujeu ; guerre des seigneurs de Couzon contre ceux d’Olliergues).
La contrée fut mise à sac lors de ces conflits aussi interminables qu’inextricables, très emblématiques des guerres du Moyen Âge. Ces passe-temps seigneuriaux, s’ils n’étaient guère meurtriers, empoisonnaient la vie économique et provoquaient un climat d’insécurité permanent. Les guerres du Forez sont à cet égard d’une grande banalité et l’histoire les aurait oubliées, si le roi Saint Louis en personne n’y avait mis fin en nommant une cour d’arbitrage comprenant cinq chevaliers, dont le vicomte de Polignac et, en hommage à sa « scrupuleuse honnêteté », l’un des belligérants, Guillaume « le Vieil ».
Au niveau architecture du château, des zones d’ombre subsistent. L’enceinte polygonale était-elle surmontée d’un chemin de ronde ? Rien n’est moins sûr, car il n’est pas facile, aujourd’hui, de discerner les traces du moindre cheminement au passage des tours, tours dont le couronnement supérieur a disparu, mais qui en imposent encore par l’épaisseur de leurs murs comme par leur élévation. Certaines ont probablement été détruites lorsqu’on a construit ultérieurement les logis.
Seule certitude, l’enceinte entourait un donjon en pierre, héritier de la motte primitive et dont l’empreinte au sol aurait pu être octogonale, forme peu courante mais qu’on voit apparaitre dès le XIIIe siècle en Italie(Valentano) et en France (Bourdeilles, Gisors). Un des plus beaux exemples en Auvergne est la tour de la Clauze en Haute-Loire (Ajout de Rhône Médiéval : Dans l’Ain, on peut aussi admirer à Trévoux un magnifique donjon octogonal polychrome du début du XIVe…).
Le côté nord, celui que la configuration du relief ne protège pas d’éventuels assaillants, est logiquement le mieux défendu. Sur les deux tours qui subsistent, on ne compte pas moins de onze archères de belles dimensions dont les embrasures permettent de couvrir, l’ensemble de la ligne d’attaque, et surtout de flanquer les coursives.
Toutefois, deux archères sont littéralement aveugles et inopérantes car trop accolées aux courtines. La question d’une reconstruction ou d’un rehaussement plus tardif de l’enceinte est donc posée.
Cette question est d’autant plus cruciale qu’à l’inverse, si la courtine actuelle n’est pas chainée à la tour, elle recouvre une partie du piedroit de la porte d’accès à cette même tour, au point qu’aujourd’hui encore, on reste circonspect sur l’angle et la direction que pouvait prendre le mur d’enceinte par rapport à la dite tour.
Après le temps des incertitudes et des guerres féodales (la dernière escarmouche dont aurait souffert Viverols remontant à la guerre de Cent Ans et serait le fait de routiers), le site connait une modification importante sans rapport avec son importance stratégique ou administrative. Les fronts ouest et sud-ouest sont remplacés par des logis à toit à double pente, dont la surface au sol et les aménagements n’ont rien à envier aux demeures les plus huppées du royaume.
Le premier de ces logis, utilisé par la garnison, est adossé à la courtine ouest (la plus favorable à l’ensoleillement). Les rez-de-chaussée sont réservés à des usages domestiques tandis que le premier niveau sert de salle de réception. Il bénéficie pour sa luminosité de la transformation des anciennes meurtrières en belles fenêtres à meneaux, et un effet de profondeur est donné à la grande salle par le non-parallélisme des murs qui semblent s’ouvrir vers une grande cheminée d’apparat couvrant tout le mur du fond. Malgré ces innovations, cette construction reste, avec ses trop rares ouvertures, d’une empreinte tout médiévale.
Du second logis transversal, dédié au seigneur, on ne conserve en élévation que le pignon sud-ouest avec ses trois cheminées, desservant chacun des niveaux ; le reste a été détruit dans un incendie à la fin du XIXe siècle. Des photographies anciennes montrent néanmoins les vestiges subsistant avant l’incendie. Ce logis semble avoir été contemporain de celui établi à l’ouest, contrairement à ce que suggère une date gravée sur l’un des chaîneaux d’angle (1762).
Comme il était d’usage, un grand escalier à vis, dans une tour d’angle, desservait conjointement les deux logis. On peut aussi voir en saillie sur le mur gouttereau extérieur une tour de latrines, ronde, modeste dans son appareil, mais manifestement construite à cet effet.
Ces logis eux-mêmes sont confinés dans une sorte de haute cour, agencée pour être nettement séparée de l’entrée même du château que l’on avait d’ailleurs militarisée en la dotant d’un pont-levis, d’une échauguette et d’un crénelage.
Pour isoler cette haute cour, on a relié par des murs de clôture, des « murettes », les courtines à ce qui restait de l’ancien donjon, et surtout, on a réemployé la forme octogonale de celui-ci pour en faire un ouvrage d’allure bastionnée.
Certes, il ne s’agit pas là d’un outil d’une haute valeur défensive, encore moins d’une réplique exacte de l’architecture poliorcétique de la Renaissance., mais on discerne dans la forme comme dans la masse de cet ouvrage une influence « italienne » qui surprend dans une contrée aussi paisible que reculée. La tradition comme les commentateurs y situent également la présence d’écuries…
Un rapprochement s’impose avec l’histoire d’Yves II d’Allegre, preux chevalier et grand capitaine qui servit trois rois (Louis XI, Charles VIII et Louis XII) sur tous les champs de bataille italiens avant de mourir au combat, plus précisément à Ravenne en 1512.
La vie noble voir téméraire de ce « Bayard » auvergnat rachetait à bien des égards les manigances douteuse par lesquelles son grand-père, Morinot de Tourzel, baron d’Allègre, s’était porté acquéreur du Livradois, donc des seigneuries d’Ambert et de Viverols, aux dépends des Baffie et plus particulièrement de Jean II dit « le mauvais Ménagier ».
La belle conduite d’Yves II effaçait donc la fourberie qui avait fait entrer pour deux siècles le château de Viverols dans la Famille d’Allègre et son fils Christophe, lorsqu’il entreprit de modifier le vieil édifice moyenâgeux en demeure Renaissance, eut peut-être à cœur d’y incruster le rappel d’un art et d’une architecture qui avaient enchanté son père.
En 1605, Claude d’Allègre échangea pour des raisons inconnues, Viverols et Baffie contre des terres en Haute Loire et le château devint ainsi la propriété de François d’Aureilhe, marquis de Colombine, qui bien que retenu à Versailles par ses obligations courtisanes, savait faire valoir les droits et les banalités attachés à son domaine.
Viverols, de château vivant et protecteur, devint progressivement l’emblème d’une autorité surannée et tatillonne. La fille du marquis, seule héritière, eut l’insigne mérite d’épouser Joseph de Montagut, comte de Bouzols, inspecteur général de la cavalerie, ce qui valut au château un regain d’intérêt, jusqu’à la Révolution.
En effet, c’est sous l’administration de cette illustre famille, apparenté aux Noailles et même au chancelier d’Aguesseau, que fut reconstruit le logis sud qui, de tout temps, avait été le logis seigneurial. Avec sa chapelle, ses appartements privés, une cuisine dans les sous-sols, il ajoutait encore plus de raffinement et d’intimité au château. Le tout fut bâti en bel appareil de pierre de taille, qui tranchait avec celui, plus sommaire, plus grossier, des siècles précédents. Ce fut là sans doute la cause de sa future ruine puisque d’aussi belles pierres ne purent résister à la convoitise des démolisseurs du siècle suivant.
Car le château sombra après la Révolution dans l’oubli et la décrépitude. Rien ne fut épargné à ce site exceptionnel : malversation de ses propriétaires, abandon, ruine, utilisation de ses pierres par le voisinage. Un moment transformé en exploitation agricole, les aléas des héritages et des mariages le conduisirent à de nouveaux morcellements, à d’autres abandons.
C’est au début du XXe siècle que le second logis s’effondra faute d’entretien. Heureusement que les vieilles cartes postales ont permis de figer son image dans le temps…
Il fallut le courage et la ténacité des deux derniers propriétaires, surtout leur passion commune de l’Histoire à travers un patrimoine, pour redonner un peu de lustre à ce château qui, rappelons-le n’est pas tout à fait une ruine. Si les parties les plus récentes ont aujourd’hui quasiment disparues, il reste encore de beaux témoins du passé, notamment de cette architecture militaire médiévale faite sinon pour protéger, en tout cas pour durer. Il reste aussi un écrin qu’anime dès les beaux jours des troupes médiévales qui font de ce site un lieu d’histoire vivante.
Le chantier de restauration, quant à lui est immense et pharaonique, surtout quand il s’agit de programmer des travaux. La problématique, en effet, est celle de tous les propriétaires privés du patrimoine, à savoir : faut-il prioritairement préserver et sauver ce qui peut l’être ou faut-il tout reprendre pour percer les mystères du château, comprendre ses transformations et lire dans la pierre son histoire ?
Source :
- Reprise d’un article de Jean-Paul Charbonneau, doctorant rattaché au CESCM (Poitiers) dans la revue Histoire et images médiévales- numéro 25 d’Avril-Mai 2009
Photos:
- Jimre (2010)
Posté le 23-11-2019 16:08 par Jimre