Castellane
Castellane
Article écrit à partir d'un livre acheté au syndicat d'initiative lors de la visite de Castellane (Pleins d'autres infos sur Castellane...) - livre "Castellane", Quatrième journée d'étude de la Société scientifique et littéraire des Alpes de Haute-Provence du 20 Mai 1982.
Ducelia, un oppidum remontant à la nuit des temps, établi sur le Roc de Castellane ou sur l’une des hauteurs voisines ; Salinae, la ville romaine dans la vallée ; Petra Castellana, le castrum du Haut Moyen-âge et la ville au-dessous, puis Castellana, le bourg, d’abord enserré dans ses remparts, et qui, en s’élargissant peu à peu, formera l’actuelle Castellane: autant de toponymes qui rythment les grandes étapes de l’histoire de cette cité de la moyenne vallée du Verdon, point stratégique de la route de Vence, puis de Grasse à Digne. Le vocable Cimira est retrouvé dans le cartulaire de St Victor, propriétaire de domaines dans la région, pour nommer un quartier ou une propriété de Salinae.
Ce sont les romains qui imposèrent à Ducelia, le chef-lieu des Suetrii, le nom de Salinae (Les Salins) en raison de la présence sur son terroir de deux sources salées, encore exploitées durant le Moyen-âge.
Salinae donna son nom à la via salinaria, la route du sel, tronçon –Castellane, l’Escale, Digne- de la route qui de Cimiez, par Vence, conduisait à Sisteron et Embrun, reliant la voie aurélienne à la voie domitienne. Une voie pré-romaine, simple piste, à l’origine de colportage du sel.
C’est par cette route que le pays de Salinae fut évangélisé. Les romains n’avaient pas modifié les modes de regroupement des populations autochtones et l’Eglise des premiers siècles adopta, à son tour les divisions de l’administration romaine. La civitas fut généralement choisie comme circonscription ecclésiastique et son chef-lieu fut le siège de l’évêque.
Christianisée, Salinae devient donc le siège d’un évêché et on retrouve un Claudius, évêque des Saliniens au concile de Riez de 439. Mais cet évêché n’eut qu’une existence éphémère. Il disparut dès le VIe siècle au profit de Senez, dont le premier évêque connu, Marcellus, est mentionné en 506.
Castellane cherchera longtemps à retrouver son rang épiscopal et même des évêques de Senez chercheront à y transférer leur siège ou y feront établir leur résidence, se partageant entre Senez et Castellane.
De l’antique Salinae, il reste le nom d’un quartier, le Salaou et quelques vestiges archéologiques (ceux d’un théâtre peut-être, des inscriptions funéraires, des restes de colonnes, des urnes, des pièces de monnaie, des bornes milliaires retrouvées aux environs). Notre Dame du Plan a succédé à la cathédrale paléochrétienne et des églises qui devaient former le siège épiscopal avec celle-ci, on n’a plus que les noms : Saint Jean, Saint Pierre et Saint Laurent, mentionnés dans une charte de l’abbaye de Saint Victor de Marseille, en 1043.
Déjà affaiblie par les ravages des Lombards et sans valeur défensive, Salinae ne put faire face aux Sarrasins, hordes de pillards plutôt que guerriers musulmans, qui occupèrent et dévastèrent la région durant les IXe et Xe siècles, profitant des luttes de pouvoir entre les différentes factions qui cherchaient à se faire une place dans la région. L’élément fédérateur de la reconquête de la région fut la capture de Saint Mayeul, abbé de Cluny, lors de son retour d’Italie en 972.
Pour se protéger pendant ces périodes d’incertitude, la population quitta Salinae pour se réfugier sur le Roc, à la fois point d’accès difficile et poste d’observation. C’est là que les chartes le situent au XIe siècle.
La butte rocheuse qui domine le village actuel, servit d’appui à un castrum qui est sans doute à l’origine de la famille des Castellane, des Austrasiens émigrés du Maconnais en Provence, que l’on signale officiellement à Castellane au début du XIe siècle : en 1053, l’un d’eux, Aldebert, fort agé, « restitue » à l’abbaye de Saint Victor des biens qu’il détient injustement sur le Roc et qui étaient autrefois, avant les invasions sarrasines, un alleu de l’abbaye, implantée depuis longtemps à Castellane.
Un peu en contrebas du Roc, au nord, sur un terrain moins accidenté d’édifia Petra Castellanum. Le castrum, camp retranché, avait rapidement fait place à un castellum ou château-fort.
Salinae, cependant, détruite en partie par les ravages des Sarrasins, dépeuplée et dévastée à maintes reprises par les crues du Verdon, ne semble pas avoir été complétement abandonnée. Son église, Notre Dame du Plan est mentionnée dans une charte de 1043. C’était l’église d’un prieuré de Saint Victor, auquel elle avait été donnée en 1040. Elle était également église paroissiale et le restera jusqu ‘au XVe siècle. Ce que l’on peut en voir aujourd’hui date du XIIIe siècle.
Jusqu’en 1262, l’histoire de Castellane se confondra avec celle de ses barons. En échange de sa sécurité, Castellane leur donna son nom.
Lorsqu’en 1189, Boniface III fut sommé de prêter hommage à la Provence, il fit clairement comprendre à Alphonse d’Aragon qu’il était seul maitre après Dieu dans son fief de Castellane, et, rapporte Laurensi, « que ses prédécesseurs avaient conquis cette souveraineté par leur valeur en donnant la chasse aux Sarrasins ».
Ne devant qu’un très vague et très lointain hommage à l’Empereur du Saint Empire Romain Germanique, les arons de Castellane étaient en fait de véritables souverains. Leur baronnie comprenait toutes les communes des cantons actuels de Castellane, de Saint André et de Senez.
Leur cour, écrit Gras-Bourguet, « était composée d’hommes d’un rare mérite, de femmes d’une grande beauté. Elle plaisait beaucoup à l’empereur Frédéric Barberousse qui lui prodiguait des louanges dans ses poesies. Les vers suivants sont attribués à ce monarque :
Pla mis, cavalier francés (Me plaisent chevaliers françois)
Et la dona catalana (Et la Dame catalane)
Et l’onrar del ginouvés (Et l’honneur du Génois)
Et la cour de Castellana…(Et la cour de Castellane…)».
En même temps qu’un château-fort, une église dédiée à la vierge avait été bâtie sur le Roc. Ce fut probablement, à l’origine, la chapelle du château. On la mentionne dès le XIIe siècle. Ruinée plusieurs fois, elle fut reconstruite notamment vers 1590, puis de nouveau au XVIIIe siècle. Elle laisse selon Jacques Thirion, « encore voir, de notables fragments en bel appareil de la fin du XIIe siècle ». Une statue de la vierge la surmonte depuis 1876. Notre Dame du Roc est devenue après les guerres de religion un haut lieu de pèlerinage.
Petra Castellana eut aussi son église, Saint André du Roc, paroissiale celle-ci, dont il ne reste que des ruines du début du XIIIe siècle. Dès la fin du XIe siècle, cependant, ses habitants qui avaient retrouvé une certaine sécurité, avaient commencé à redescendre dans la vallée sur un petit mamelon voisin de Salinae. Petra Castellana fut finalement abandonnée au XIVe siècle, sans doute à la suite de l’apparition de la terrible peste noire en 1348, qui dépeupla, dit-on, les trois parties du monde connues. Son enceinte sera démolie en 1390.
Le nouvel habitat qu’on allait appeler « le bourg » se constitua au cours des XIIe et XIIIe siècles. En 1359, on le ceindra de murs dont il subsiste une tour, la Tour Pentagonale, et des portes.
Pour éviter à la population d’être tiraillé entre les deux paroisses Notre Dame du Plan et de Saint André du Roc, on édifia, dans la première moitié du XIIIe siècle, au centre du bourg, sur un terrain appartenant à l’abbaye marseillaise, une nouvelle église appelée Saint Victor.
Le nouveau prieuré ainsi fondé fut uni à celui de Notre Dame du Plan, au prieur duquel fut confiée la nouvelle paroisse. Grandissant avec le bourg, celle-ci finit par devenir au XVe siècle l’unique paroisse de Castellane. Saint Victor fut l’église paroissiale de Castellane jusqu’au 7 mai 1876.
En même temps que la population qui était descendue de Petra Castellana vers le bourg, les barons de Castellane se firent batir un grand château dans la vallée, qui deviendra par la suite le couvent des Augustins.
Mais leur pouvoir était sérieusement menacé. Déjà Boniface III, en 1189, après avoir tenu tête au comte de Provence Alphonse d’Aragon, avait dû se résigner à venir à Grasse lui rendre hommage.
Ce fut toutefois le mariage de Beatrix, héritière de Raymond-Bérenger, avec le frère de Saint Louis, Charles d’Anjou, qui mit fin à la présence des Castellane à Castellane. Le nouveau comte était bien décidé à régner sur toute la Provence. Dès le 15 juillet 1250, il avait érigé la baronnie de Castellane en baillage et y avait institué une cour de justice. Douze ans plus tard, saisissant l’occasion d’uns participation de Boniface VI à la rébellion marseillaise, il s’empara de la cité de Castellane et de la citadelle. Boniface n’eut que le temps de s’enfuir par un souterrain. La baronnie de Castellane était confisquée et devint une terre comtale.
Ainsi prit fin en 1262, l’histoire commune d’une ville et de ses barons, une histoire longue de trois siècles.
Dans une charte de 1252, Boniface VI avait donné un certain nombre de privilèges à ses sujets : le baron ne pouvait rien statuer ni les juges condamner quiconque sans le consentement des notables de la ville ; les habitants qui voulaient s’expatrier pouvaient emmener tous leurs biens ; les testaments étaient validés ; les foires devaient être franches de tout péage ; les habitants étaient exempts d’impôts, sauf, en particulier, le cas où le baron achèterait une terre ou serait fait prisonnier, de même que ses enfants…
Tous ces privilèges furent confirmés par les souverains de la maison d’Anjou et seront de nouveau confirmés par Louis XII le 20 Mai 1500.
D’autres furent encore concédés : la ville de Castellane devenait inaliénable et inséparablement unie au comté de Provence (clause très importante qui empêcha notamment le roi René d’aliéner Castellane à un seigneur napolitain, Sualion de Spinolis ; puis plus tard les rois Henri III et Louis XIV d’en donner la baronnie, l’un à Renée de Rieux en 1577 et l’autre au duc de Chatillon en 1657) ; les habitants ne pouvaient pas être obligés de porter les armes pour le roi hors du comté de Provence, Forcalquier et les terres adjacentes ; ils étaient tous francs et libres, exempts de tout péage en Provence…
Le nom de Charles II d’Anjou reste attaché à la fondation d’un couvent d’ermites de Saint Augustin à Castellane. Le souverain les installa d’abord dans une maison du faubourg Saint Martin( qui deviendra ensuite un hôpital), aujourd’hui la Bourgade, puis leur donna l’ancien château des Castellane, hors les murs, non loin de la porte de l’Horloge. Il leur fit de plus bâtir une grande église, qui pour plus de commodité, fut orientée vers le sud et dont la sacristie fut l’ancienne chapelle du château. Les religieux y demeureront jusqu’à la Révolution.
Castellane passa sous la couronne de France en 1481. Comme beaucoup d’autres places en Provence, la forteresse du Roc, qui avait été conservée et entretenue sous les Angevins aurait été démolie et rasée en 1483 sur ordre de Louis XI. Un viguier remplaça le bailli, puis en 1640, Castellane devint le siège d’une sénéchaussée dont la juridiction comprenait les deux chefs-lieux de viguerie (Annot et Guillaumes), deux villes épiscopales (Senez et Glandeves-Entrevaux), deux places de guerre (Entrevaux et Guillaumes). La sénéchaussée mit Castellane au rang des notables villes de Provence.
Sur le plan commercial, le rattachement à la France permit de bénéfécier d’une sorte de marché commun avec les autres provinces voisines.
Mais Castellane ne vécut pas que des jours heureux sous la dynastie angevine. Elle eut à subir l’épidémie de peste de 1348. Raimond de Turenne l’assiégea en 1390 mais ne put s’en emparer. Il démolit par contre le pont, qui venait d’être refait et qu’il fallut donc reconstruire.
En 1536, la Provence fut envahie par les troupes de Charles Quint et on exigea de Castellane de procéder à la politique de la terre brûler pour ralentir les troupes de l’empereur.
Les guerres de religion n’épargnèrent pas la contrée de Castellane et on peut parler de l’épisode dans lequel Castellane eut à subir l’attaque du baron d’Allemagne allié au duc de Lesdiguières. Ces deux personnages avaient des raisons politiques et militaires mais sans doute aussi un attachement sentimental. Le baron d’Allemagne descendait directement de Boniface III et le duc de Lesdiguières était le fils de Françoise de Castellane Saint Juers.
Peut-être auraient-ils réussi si une femme qui ramassait du bois ne les avait pas aperçu et n’avait pas donné l’alarme. La défense s’organisa et fut héroïque face à l’attaque notamment de la porte de l’Annonciade qui obligea le baron et le duc à battre en retraite le 31 Janvier 1586. Chaque année, on commémore cette victoire lors de la fête des Pétardiers.
En 1746, Castellane, dont les fortifications tombaient en ruines, ne put se défendre contre les troupes Austro-Sardes coalisées contre la France et l’Espagne. Les français et les espagnols qui avaient subi une défaite à Plaisance battaient en retraite par Castellane. Plus de 500 blessés avaient été ainsi amenés à Castellane au mois d’Octobre. Pour les accueillir, on réquisitionna le couvent des Augustins.
Les Austro-Sardes, qui étaient entrés dans Grasse le 30 Novembre, firent route vers Castellane devant laquelle ils se présentèrent le 16 Décembre. Le chevalier piémontais Machaolico fut reçu sans combat le jour même mais dès le lendemain, une contre-attaque menée par le chevalier de l’Enfrenet l’obligea à battre en retraite après un bref combat sur la place de la Grave. Les Austro-Sardes attaquèrent à nouveau Castellane avec une armée de deux mille hommes sous les ordres du marquis d’Orméa. L’Enfrenet, dont les troupes étaient inférieures en nombre quitta la ville et ce fut Monseigneur de Vocance qui se porta à la rencontre de l’ennemi. Impressionné par l’accueil du prélat, le marquis d’Orméa promit de respecter la ville.
Enfin, après une occupation de vingt jours castellane dut délivrée par le marquis de Maulevrier, le 21 Janvier 1747.
Sources:
- livre "Castellane", Quatrième journée d'étude de la Société scientifique et littéraire des Alpes de Haute-Provence du 20 Mai 1982 acheté lors de la visite de Castellane au syndicat d'initiative. (Pleins d'autres infos sur Castellane...)
Photos:
- Jimre (2016)
Posté le 15-01-2018 20:13 par Jimre