Allegre

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Allegre

L’Histoire d’Allègre

Sur ce site  aux quatre volcans, la société humaine n’a pas attendu les d’Alegre.

En effet, des hommes ont vécu depuis « la Préhistoire » sur leurs pentes et au bord de la Borne.

Ce lieu est aujourd’hui nommé et écrit Allègre. Le nom d’Alegre est apparu au XIIIe siècle, venant du latin Alacer, qui signifie Vaillant, Ardent.

On donne le nom d’Alegre à la famille qui possédait le fief et le nom Allègre à la ville.

Les chroniqueurs les nommèrent  d'Alegre, Dalegre, de Laigre, etc

Ils n’étaient pas les seuls seigneurs sur ces terres volcaniques. Les chevaliers de Bar, Béraud, Guérin, d’Artasse, prétendent à une origine aussi ancienne et auraient pu être les barons de ces lieux.

Revers de fortune, absences trop longues aux croisades, manque de garçons à de trop nombreuses générations,  ils sont devenus vassaux des d’Alegre. Il se dit que nos seigneurs Vellaves étaient aux côtés d’Adhémar du Monteil, mais nul document ne l’avère.

L’ancienne appellation de la cité était Grazac, nom encore utilisé pour les faubourgs jusqu’en 1567. On retrouve aujourd'hui un village près de sainte Sigolène qui porte ce nom.

La filiation de la première famille d’Alegre s’établit avec Armand Ier d’Alegre, vers 1220, qui s’illustra aux cotés de Louis VIII "le Lion" dans de glorieux faits d’armes. 

Armand 1er d’Alègre est un des témoins, en juillet 1220 « de la ratification faite par l’évêque du Puy, Etienne de Chalencon, d’une sentence arbitrale de R. Albert, chanoine de  notre Dame et de Guillaume Cuoq?, tranchant un différend entre Jaucerand seigneur de Bouzols et Guillaume d’Albiges, maître de l’hôpital du Puy, à propos de droits de franc-fief assis à Charensac ».

Les seigneurs importants de sa descendance furent en particulier Armand II d’Alegre, qui participa avec le roi Saint Louis à de nombreux arbitrages de conflits.

Suivit Hugues d’Alegre, également sous le règne de Saint Louis.

En 1285, ce fut Armand III d’Alegre  puis Eustache d’Alegre, frère cadet d’Armand III. Tous deux étaient  les fils d’Hugues Ier d’ Alegre. 

En 1304, Eustache est convoqué par Philippe le Bel pour la guerre de Flandre, et requis de se rendre à Arras avec 10 hommes d’armes. En général, chaque homme d’armes était accompagné de trois archers, d’un écuyer et d’un page.

En 1311, il signe un accord avec le baron de Roche en Reynier au sujet des limites ardemment contestées, de leurs juridictions sur les rives de l’Arzon.

En 1318, dans la quinzaine de la saint André, Eustache seigneur d’Allègre est convoqué à Clermont en Auvergne avec le vicomte de Polignac, les seigneurs de Montlaur, de Roche en Régnier, de Chalencon et de Solignac pour accompagner en chevaux et en armes, Eudes, duc de Bourgogne et Robert, comte de Boulogne, et autres.

Le sénéchal de Beaucaire Miles de Noyers, maréchal de France soutient un important procès, depuis 1309, contre Eustache d’Alegre. Ce procès durera une douzaine d’années et fixera les limites de l’Auvergne et du Velay.

Ces lettres royales spécifient que tout le diocèse du Puy fait partie du bailliage du Velay et ressort de la sénéchaussée de Beaucaire. Sont inclus les châteaux d’Allègre, de Chomelix le Haut, et leurs mandements. Eustache, très bien soutenu par les plus grandes familles de la région, ne se rend pas aux injonctions ni aux procédures. Le baron d’Allègre persiste et plaide que ses terres et mandements dépendent de l’Auvergne. En 1320 un arrêt du Parlement de Paris ordonne qu’à l’avenir la baronnie d’Allègre fera partie du bailliage d’Auvergne.

En 1343, Eustache seigneur d’Alègre, fait un dernier hommage Jean de Chandorat, évêque du Puy, des péages du château de Chomelix le Haut, du pont d’Arlenches, de la « forteresse de Chambarel », du village de Chadernac, et du Vézy.

Le dernier seigneur de cette première famille fut Armand IV, de 1343 à 1361, date à laquelle il mourut au siège de son château, attaqué par Thomas de la Marche et les routiers anglais, en pleine guerre de Cent Ans.

A la suite de ce siège, le château ne fut pas détruit.

La veuve du château, Alix de Chalencon, continua d’habiter le château jusqu’en 1364, date où elle fut chassée par son neveu, Bertrand de Saint Nectaire, qui prétendait avoir des droits sur son héritage.

Elle sollicite l’aide du Duc de Berry qui attaque la place forte d’Alegre, qui va résister plus de six mois.

Le château est repris et sa garde en est confiée à Jean II d’Armagnac, beau-frère du Duc de Berry, jusqu’en 1385, date de la mort d’Alix de Chalencon.

L'époque où Allègre eut à souffrir des Grandes Compagnies, que Froissart écrit comme on prononçait,  "compaignies" fut un moment des Guerres de Cent Ans. Une période des Chevauchées et des Grandes Compagnies. Un temps des Chroniques de Jehan Froissart. Un demi-frère de Charles V, Jean duc de Berry et d’Auvergne, esthète, mécène, stratège et assassin. 

Localement, cela coïncida avec la fin de l’ancienne famille des Alegre et l’arrivée imprévisible pour le "petit peuple" d’une nouvelle famille, les seigneurs de Tourzel. Cette année-là, le Duc de Berry fit don de la baronnie d’Alegre à Morinot de Tourzel, qui devint le premier seigneur de la deuxième famille d’Allègre.

Il commença les travaux de réfection et de construction du mur d’enceinte. Il mourut en 1418.

Son fils Yves de Tourzel d’Alegre, continua les travaux et l’embellissement du château (mâchicoulis tréflés…) et en fit l’un des plus beaux et plus importants de la région. Alegre devient par la suite la plus haute baronnie d’Auvergne.

Yves Ier reçut le roi Charles VII à Alegre en Janvier 1425 pour les Etats Généraux du Languedoc.

En 1442, Jacques de Tourzel, fils d’Yves Ier, est titré dans les actes : Chevalier Baron d’Alegre, Meihaud, Viverols, Baffie et du Livradois, de Chomelix le Haut, de Saint Just, seigneur de Saint Quentin (en Velay), Conseiller et Chambellan du Roi.

En 1459, à la procession du Puy, Guillaume Armand de Polignac et Jacques d’Alegre portent le trône sur lequel était placée la Sainte Vierge, à la demande de Louis XI, pour que Dieu, à l’intercession de la Vierge, donnât un dauphin au royaume de France.

Jacques de Tourzel joua un rôle militaire assez important. Il fut député en Auvergne par Louis XI, en 1470, « pour prendre et choisir 95 lances à conduire à l’armée de Catalogne, savoir 15 lances de sa compagnie et 80 pour la compagnie du Comte Dauphin d’Auvergne et du Comte de Boulogne ».

Il est à remarquer que par lance on entend « lance garnie », terme utilisé pour décrire un peloton d’élite comprenant : un homme d’armes, armé de toute pièces, un coutilier, un page, un valet, des archers, en sorte qu’une lance était parfois composée de 10 cavaliers, sans compter les gens de pied.

15 lances pouvaient donc représenter plus de 150 hommes et 95 lances un corps de plus de 1000 hommes.

Jacques de Tourzel est qualifié de « Conseiller et Chambellan du Roi , Capitaine de 80 hommes d’armes » dans un certificat qu’il délivra en 1472, attestant qu’Antoine de la Chassaigne, Chevalier, seigneur de Sereys, avait bien servi en Catalogne.

Il ne néglige pas pour autant l’administration de ses domaines, après avoir fortifié et relevé de ses ruines la ville d’Alegre, éprouvée par les assauts et les incursions qui s’y étaient succédés durant la guerre contre les Anglais. Il y développe ainsi le commerce en créant une foire et des marchés importants.

En 1485, il confirma les privilèges accordés par son père à certains habitants de la ville d’Alegre et permit à d’autres, à partir de cette date, de se clore dans la première enceinte du château en se départissant de la condition de main morte, qui, au dire de Chabrol, était de droit commun dans cette terre.

Il fut marié en première noces avec Gabrielle d’Astic. Il a eu d’elle 5 enfants, dont les deux premiers vont jouer un rôle important et s’acquérir une gloire importante.

L’ainé, Yves II, dit »Le Grand », baron d’Alegre restera sans doute le plus marquant de sa maison. Il meurt à la bataille de Ravenne en 1512, après avoir vu son fils ainé tomber au combat. Il venait de sauver son ami Bayard

Le second, François d’Alegre, de par son mariage avec Charlotte de Chalon, devint comte de Joigny et baron de Vitteaux et rendit hommage en son nom des terres de Crespy et d’Athier, tenues du château de Peronnes.

Chevalier de l’Ordre du Roi, Conseiller et Chambellan également du Roi, Capitaine de Montargis, il accompagna le roi Charles VIII à la conquête du royaume de Naples.

Il participa, aux côtés de son frère Yves II, à la journée de Seminare en 1495, où Fernand d’Aragon, roi de Castille, et Gonsalve de Cordoue furent repoussés en Calabre. Il fut commis avec son frère au gouvernement de la Basilicate, et fut plusieurs fois chargé de missions militaires et diplomatiques.

Il servit ensuite en plusieurs occasions militaires le roi Louis XII qui lui donna, dès septembre 1513, l’office de Grand Maitre et Général réformateur des Eaux et Forêts de France après la mort de Jean du Puy, seigneur du Coudray.

Il fut confirmé dans cet emploi par François Ier, le 10 Janvier 1515.

Le second fils d’Yves II, Gabriel de Tourzel, devient baron d’Alegre et participe aux campagnes d’Italie. Il obtient de François Ier d’ajouter 6 fleurs de Lys au blason des Tourzel et le reçoit en son château le 17 Juillet 1533. Il meurt en 1538.

Ses deux fils décéderont sans postérité.

C’est le troisième fils de Gabriel, Yves III, qui deveint baron d’Alegre. Il décède en son château, assassiné à la suite d’une intrigue amoureuse, sans laisser de descendance directe.

C’est sa veuve qui hérite du château d’Alegre, son neveu s’installant à Issoire (Puy de Dôme). C’est elle qui soutient le siège de 1593 et se rend après deux jours de tirs de canons qui produisirent de grands dégâts dans les remparts de la ville. Cependant, après quelques semaines et seulement deux heures de combats, elle reprend miraculeusement le château. En souvenir, est décidé qu’à perpétuité, le huitième jour d’Août et le tiers jour d’Octobre seraient jour de fête et que des processions générales seraient organisées.

Yves IV décède en 1592 en son hôtel d’Issoire, assassiné avec son épouse, ses deux filles étant épargnées.

Christophe II, installé en son château de Blainville, en Normandie, après avoir fui en Italie pour échapper àla justice, rentre en France et s’établit à Alegre vers 1605. Il épouse Louise de Flagheac, et dote Alegre d’un hôtel-dieu. Il meurt vers 1640.

Son épouse fait construire la nef de Notre Dame de l’Oratoire. 

En 1640, Claude-Yves de Tourzel devient marquis d’Alegre et meurt vers 1664.

Le dernier de la célèbre lignée des Tourzel sera Yves V, qui participe à toutes les guerres de Louis XIV : campagne de Hollande, guerre d’Augsbourg, guerre d’Espagne. Entre ses campagnes, il réside soit dans l’un de ses hôtels à Paris ou à Versailles, soit dans un de ses châteaux : Cordes dans le Puy de Dôme où est conservé le gisant en marbre d’Yves II, Meilhaux ou Alegre, dans lequel il séjourne lors de l’incendie de 1698.

En 1724, il est promu Maréchal de France. Il meurt en 1733, ne laissant que 3 filles en vie sur huit enfants.


Le château :

Château, reparium, castrum...

Plan d'Allègre d'après source

Perché à la cime du mont Boury, le reparium de la première famille (on disait "race", maintenant on dit plutôt "maison") des d’Alegre, chevaliers puis barons, et Grasacum, bourg au pied du même volcan, se joignirent et devinrent Allègre !

Pourquoi user du mot "reparium" qui peut paraître pompeux ou snob...?

Le mot du latin médiéval reparium ne signifie pas "repaire" dans le sens actuel de repaire de brigands. Il est de la même famille que "réparer" et "retour". Le sens est celui du retour à la maison du Père. Là où on se "répare", où on se refait une santé. Il est voisin de Père et Patrie. Il est voisin d'apparier : mettre ensemble deux par deux des éléments de mêmes nature et valeur.

Castrum (ou motte castrale), comme reparium, sont les mots utilisés dans les textes du Moyen Âge pour désigner le lieu où le chevalier se retire entre deux guerres, le plus souvent guerres privées. C'est plus que le château lui-même. C'est le groupe "château + chapelle ou église + habitat". On sait qu'à Châteauneuf (d'Allègre) il y eut un château, une église et des maisons. Châteauneuf fut un castrum, et pas seulement un château... ni un "repaire de brigands" !

Le vaste édifice fut construit à la fin du XIVe siècle par Morinot du Tourzel, sur l’arête méridionale du volcan du Boury, à l’emplacement d’une forteresse primitive moins importante.

Le château offrait l’aspect d’un quadrilatère allongé à plusieurs étages, flanqué de trois tours, couronné d’un chemin de ronde avec créneaux et mâchicoulis tréflés.

Au centre des batiments principaux, le donjon où « tour du  Trésor ». Ce trésor, les papiers des propriétaires, disparaitra tout ou partie lors de l’incendie de 1698.

Trois enceintes le protégeaient, dont la plus grande, couvrant un hectare, 78 ares et 84 centiares, était défendue par 11 tours percées de meurtrières et reliées entre elles par des courtines.

Deux portes principales avec corps de garde, créneaux, mâchicoulis et herses, y donnaient accès, la porte Nord, nommée porte de Ravel et celle du Sud nommée Porte de Monsieur.

Le tout était entouré des principaux ouvrages de défense alors en usage, fossé à l’Ouest avec pont levis.

Dans la troisième enceinte se trouvait la chapelle Notre Dame de L’Oratoire (oratoire depuis 1547, nef en 1650) et sa piéta miraculeuse.

Dans la seconde enceinte, la chapelle Saint Yves, lieu de sépulture des d’Alegre, en ruines vers 1764.

Le 15 Novembre 1698, un violent incendie réduisait en cendre cette magnifique forteresse, alors occupée par Yves V d’Alegre.

Du château lui-même, il ne reste que la Potence, classée Monument Historique en 1935, qui s’insérait dans la façade méridionale. Tout près, on trouve la tour de la salle de garde, en ruines. A quelques dizaines de mètres, au sud de la Potence, isolée au milieu des jardins, on trouve une tour servant de pigeonnier qui commandait sans doute l’escalier conduisant au donjon.

La porte de Ravel ne présente plus qu’une tour avec meurtrière, la seconde ayant été démolie en 1845.

La porte de Monsieur, bien conservée est inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques.

Une tour avec meurtrières, à proximité de la mairie, appartenait au système de fortifications de l’entrée sud (barbacanes).

Des huit hôtels bâtis à partir de 1435 à l’intérieur de la première enceinte par des notables, il ne reste que peu de choses, l’Hôtel de la Clède, l’Hôtel de Bar, dont la tour d’escalier est encore intacte, l’Hôtel de Chardon dont la tour octogonale en saillie dans la rue de Notre Dame de L’Oratoire à été démolie en 1868.

Des cinq autres, il ne reste que des traces visibles seulement à l’œil du chercheur averti.

Les remparts, aliénés par lots dès le règne de Louis XIII, ont fourni des matériaux de construction aux maisons de la rue de Notre Dame, de la place du Marchédial, de la rue des Clostres…

De belles pierres, en réemploi ici et là, mises en valeur au hasard des restaurations d’immeubles, proviennent sans doute du château.


A noter que du château, on a une vue imprenable sur la plaine du Velay avec vue au loin sur le donjon du château de Polignac devant lequel on passe lorsque l’on a quitté le Puy pour se rendre à Allègre…


Sources :

- Panneaux dans la ville

- Site de l’Association des Amis d’Allègre.

- Plan fourni par Nano.M d'après Dictionnaire des châteaux et fortifications du moyen âge en France, Charles-Laurent Salch, éditions Publitotal.

Photos :

-Jimre (2015)





Posté le 10-01-2016 23:10 par Jimre