Boutheon
Boutheon - Histoires
Nous mettons en ligne un article d’Henri Guignard, paru dans le recueil numéro 8, sorti en Septembre 2019, de la série de recueils «Histoires singulières pour une histoire collective» qui a débuté en 2012, ainsi que la préface de Brigitte Marty , Adjointe à la Politique de la ville, aux Solidarités et à la Petite enfance, et Vice-Présidente du CCAS, parue dans le même recueil.
Ces recueils sont disponibles à l'accueil du château de Bouthéon, ouvert 7 jours sur 7...
Tout cela nous a été fourni aimablement par Henri Guignard. Nous l’en remercions vivement…
Un passage de cet article concerne le château mais nous présentons l'article dans sa totalité, en accord total avec la préface. Bonne lecture…
« Préface
Ce qui est agréable avec les recueils «Histoires singulières pour une histoire collective», c'est qu'ils nous permettent de connaître notre commune grâce à des souvenirs lointains, qui ne nous appartiennent pas forcément, mais que leur transmission nous rendent familiers.
Ces souvenirs sont d'autant plus attachants qu'ils émanent d'habitants, peut-être vos amis, vos voisins, vos commerçants...qui nous livrent leurs vécus er leurs émotions.
Dans cet opus s'écrivent aussi des histoires pas si lointaines qui nous font réaliser combien le temps « passe vite». Ainsi, vous vous ferez certainement cette remarque quand vous découvrirez le récit sur l'évolution de la place de la Carra ou du parc Martouret, espace privé, devenu public dans les années 2000, ou encore plus récemment avec les souvenirs sur le quartier de la Chapelle qui vient de fêter ses 50 ans...
Alors comme Saint Augustin, faisons fi de la conjugaison usitée en admettant trois temps : le présent du passé pour la mémoire, le présent du présent pour notre attention à l'actualité et le présent de l'avenir pour nos attentes.
Belle découverte et bonne lecture à toutes et tous.
S'il est un endroit à Bouthéon que je connais bien, et auquel je suis resté très attaché, c'est certainement la place de la Carra.
Tout d'abord j'y suis né, et plus précisément dans une maison aujourd'hui disparue. Maison qui se trouvait, jusqu'en novembre 2006, date à laquelle le pignon sud du bâtiment s'est écroulé, en bordure immédiate de la place.
Une place à laquelle actuellement, de plus en plus nombreux, sont ceux à lui découvrir pas mal de charme. Certains lui trouvant même, avec la présence des platanes, des jeux de boules, et les maisons plutôt bien entretenues qui l'entourent, un petit air provençal.
Mais naître en un lieu ne suffit pas à prétendre connaître celui-ci. En revanche pour ce qui me concerne, je peux me référer à sept décennies de souvenirs étant donné que depuis toujours j'ai fréquenté les lieux. Et parmi mes souvenirs les plus lointains, ceux qui parfois même un peu vagues remontent à la période où l'on est âgé de quatre, voire trois ans, plusieurs se rattachent à la Carra.
À partir de tous ces souvenirs je pourrais donc écrire pas mal de pages, mais là je doute fort qu'elles pourraient passionner de nombreux lecteurs. Je me limiterai donc à évoquer ceux qui peuvent intéresser parce qu'ils font partie de l'histoire locale et même parfois très locale, ou bien comme avec le carnaval, raviver le souvenir de nos traditions.
Le nom de Carra n'est apparu dans les vieux documents qu'au cours du XIXe siècle, donc il semble être relativement récent, et probablement, ce qui reste tout de même une hypothèse, aussi intéressante soit-elle, en rapport avec la forme rectangulaire de la place, lorsqu'elle a eu fini de se constituer. En effet des constructions nouvelles, nouvelles pour l'époque car cela se situe vers 1850, sont venues occuper la partie sud du lieu en transformant alors l'espace jusque-là ouvert en véritable place, complètement entourée de bâtiments.
Un plan de 1806, dit napoléonien, conforte cette thèse : des bâtiments occupaient déjà la partie nord, et ceux-ci, ou d'autres maisons encore plus anciennes les ayant précédés, étaient donc là au XVIIe siècle, appartenant aux seigneurs des lieux car le domaine du Château arrivait jusqu'à ce qui allait devenir par la suite la place de la Carra. C'est là d'ailleurs que se situait l'entrée principale de la résidence seigneuriale.
Une maison actuelle a conservé l'empreinte de cette entrée qui a été décrite comme étant constituée de deux murs en forme de demi-lune entourant l'accès proprement dit. Une photo aérienne sur laquelle on distingue très bien un alignement parfait du puits Renaissance situé au centre de la cour d'honneur du Château, du portique, lui aussi Renaissance, d'accès à cette même cour et de l'ancienne entrée place de la Carra le montre de façon très explicite.
Au début du XXe siècle, il existait encore une mare, à l'emplacement exact des jeux de boules actuels. Insalubre, un rapport relatif à l'hygiène établi en 1914, avant le début du conflit que l'on connait avec l’Allemagne, en fait état, elle a été comblée après la fin de la première guerre mondiale, c'est à dire au début des années vingt. Ma grand-mère arrivée à Bouthéon à la suite de son mariage en 1903 avec Jacques Baudet, qui appartenait à une famille implantée dans le village depuis déjà deux siècles et demi, en a parfois parlé.
Tout ce que j'en ai retenu c'est que cette mare n'était pas trop profonde mais suffisamment pour être dangereuse pour les enfants, qu'avec ses eaux stagnantes, elle constituait un endroit tout à fait adapté à la prolifération des moustiques et qu'elle était recouverte de lentilles d'eau. ]'ai retenu également que pendant la Grande guerre des soldats-infirmiers venaient laver des brancards qui avaient servi à transporter des blessés amenés pour soins et convalescence au Château voisin. On ne sait pas si cette mare avait une forme carrée ce qui pour rait aussi avoir été à l'origine du nom, carré se disant d'ailleurs carra en patois. Mais qu'il s'agisse de la mare, ou de la place qui a une forme rectangulaire, il existe certainement une relation avec l'aspect du lieu, Les anciens n' étant peut-être pas très regardants sur la différence entre un carré et un rectangle, dès lors qu'il existait aux quatre coins des angles droits, ou presque droits.
Le comblement de la mare avait donc créé une nouvelle surface et l'idée de l'utiliser pour jouer aux boules, avec du même coup la création d'un club de boulistes, s'était très vite concrétisée. À cela on peut encore ajouter la construction sur un terrain voisin, d’une cabane en bois destinée à s'abriter, à jouer aux cartes, et à mettre le matériel à l’abri. Par la suite, c'est à dire au tout début des années cinquante, on a construit un local en dur, et plus vaste. Mais la cabane est restée en place, jusqu1à nos jours.
Lorsque j'étais enfant, l'entretien de la surface de jeu était essentiellement assuré par Joannès Rivalier, surnommé, et on ne sait pourquoi «Babio ». Il occupait par ai leurs une fonction très utile pour la propreté de la commune de Bouthéon, celle de cantonnier. « Vieux garçon », il habitait avec sa sœur Louise, non mariée elle aussi, une maison située place de la Carra. De là il pouvait surveiller les lieux et intervenir dès qu'un intrus entrait dans cet espace presque sanctuarisé. Bien entendu tout vélo était interdit d'accès, de même que tout jeu nécessitant l'usage d'un ballon car ces activités étaient susceptibles de créer des creux ou des bosses sur le terrain et d'effacer les lignes, tracées au cordeau, sur le sol. Ces lignes délimitaient les trois surfaces organisées pour y pratiquer le «Jeu à la lyonnaise».
Cette présence du club de boulistes apportait un peu d'animation les samedis et dimanches après-midi, surtout par beau temps. Il y avait aussi une buvette où l'on trouvait différentes boissons dont de la limonade. Or ma grand-mère, voisine immédiate du lieu, adorait boire à l'occasion un verre bien frais de cette boisson gazeuse. Certains dimanches d'été, au cœur de l'après-midi, après avoir fait le constat qu'il faisait très chaud, en déclarant en patois « 0 fa ina chalou! », ce qui se traduit par « Il fait une de ces chaleurs! », elle me chargeait alors d'aller acheter une bouteille de limonade, et même parfois deux si nous étions nombreux et très assoiffés. Les bouteilles étaient en effet très fraîches car refroidies par de gros pains de glace déposés dans de grandes bassines. À une époque où les gens ne possédaient pas encore de réfrigérateurs, se faire livrer de gros pains de glace était un moyen pour disposer, pendant deux ou trois jours, de boissons fraîches en plein été. Et j'entends encore ma grand-mère déclarer ensuite avec satisfaction, en buvant sa limonade, et toujours en patois : « Oua que voié fraille! » ce qui signifie « Qu'est-ce que c'est frais!».
On ne peut évoquer la Carra sans rappeler le carnaval qui avait lieu chaque année le soir du Mardi gras. Il a existé jusqu'au milieu des années soixante. Il faut préciser que jusqu'à cette époque, on trouvait encore pas mal de haies, notamment dans les Chambons. Pendant la période hivernale, les paysans élaguaient ces haies et laissaient les branches ainsi coupées sur place.
C'est alors qu'intervenaient les enfants âgés de huit à environ treize ou quatorze ans. Moi aussi j'ai participé à cette activité et je peux donc en parler. Avec des petites charrettes qu'ils tractaient à la seule force de leurs bras, les enfants transportaient ces branchages notamment par la Côte noire particulièrement difficile à monter. Ils ramenaient tout ce matériel combustible place de la Carra, où il s'entassait au fil des semaines dans cette partie située au nord des jeux de boules en attendant le jour, ou plutôt le grand soir.
Donc le « grand soir » arrivé, le feu était allumé vers dix-neuf ou vingt heures et cela durait jusque vers onze heures ou minuit. Il s'arrêtait lorsqu' il n’y avait plus rien à brûler. Mais certaines années où la collecte de branches avait été particulièrement abondante, il en restait une certaine quantité. Alors il y avait un « remake » le dimanche soir qui suivait, c'est à dire à l'occasion du dimanche des Brandons qui marque le premier dimanche du Carême.
Pour ce feu principal du Mardi gras, les gens venaient très nombreux, bien qu'avec quelques décennies de recul, je ne pense pas que l'affluence n'ait jamais dépassé les deux cents personnes, ce qui était tout de même pas mal pour une place déjà occupée par l' emplacement du feu et les branchages à brûler. Les enfants étaient déguisés et portaient des masques, certains adultes aussi. Beaucoup de pétards également. On faisait la ronde autour du feu, en chantant des chansons légères tout en restant dans la décence et des chansons dites « à boire ». Car ça buvait aussi, et pour quelques-uns, même pas mal. Certains hommes jeunes et vigoureux prenaient parfois leur élan pour réaliser un saut au travers des flammes, ce qui était tout de même risqué surtout pour ceux qui avaient déjà « sifflé quelques canons de vin».
De nos jours, faire un feu de cette importance sur une place au milieu des maisons serait interdit et scandaliserait les« défenseurs de l'environnement ». D'ailleurs à chaque fois où le foyer était alimenté, c'était une gerbe d’étincelles qui s'élevait dans le ciel noir de la nuit, et certaines retombaient un tout petit peu sur les gens présents, mais aussi de temps en temps sur les toits des maisons riveraines. Heureusement, il n’y a jamais eu d’accidents; mais les limites de sécurité même moins drastiques qu'aujourd'hui, étaient allègrement franchise, et encore plus lorsqu'il y avait du vent.
Le lendemain, jour du Mercredi des cendres, celles-ci étaient encore rougeoyantes et donc très chaudes. Il fallait attendre le jeudi pour voir certaines personnes venir les récupérer car issues de la combustion du bois, elles étaient recherchées. Recherchées parce qu'utilisées dans la conservation des jambons et saucissons. La conservation dans la cendre de bois évitant de trop saler et constituant un bon mode de conservation pour ce type d'aliments.
Dans ma jeunesse, cette surface était en général libre et de temps en temps (peut-être une ou deux fois par an, mais pas plus) des petits cirques y faisaient étape et restaient quatre ou cinq jours. On voyait alors arriver des roulottes, tractées par des chevaux, servant d'habitation aux gens du voyage, lesquels dressaient un petit chapiteau pour donner des spectacles. Peut-être était-ce d'ailleurs toujours les mêmes qui de façon cyclique revenaient à intervalle régulier, mais je ne me souviens pas de ce détail. Pas de fauves et de dresseurs, mais plutôt quelques singes, des chiens dressés, une chèvre savante, des poneys et côté humain, des clowns, des jongleurs ou des illusionnistes, rôles tenus par les mêmes personnes car ils n'étaient pas extrêmement nombreux. Ils avaient tout de même un certain talent.
Ces gens allaient également couper des plantes sauvages de la famille des osiers sur les bords de la Loire. Et avec cette matière première, ils fabriquaient des paniers que leurs femmes, en faisant du porte à porte, vendaient ensuite assez facilement aux habitants de Bouthéon qui les trouvaient d’excellente qualité.
Il y avait deux fermes place de la Carra : celle d’Antoine Perrin, au Nord de la place, en limite avec le parc du château, dont l'activité s'était alors recentrée sur le maraîchage et la ferme Baudet au Sud, plus traditionnelle, mais avec seulement quatre puis trois vaches.
Cette activité qui revenait à ma grand-mère et à son fils Gabriel que tous les Bouthéonnais appelaient Biel, incluait un petit commerce de lait à la ferme.
Contrairement à d'autres surnoms qui étaient parfois dévalorisants, ce surnom ou plutôt ce diminutif de Biel dérivait de son prénom car lorsqu'il était jeune enfant il prononçait «Gabiel» au lieu de Gabriel. Dès lors, qu'on l'ait appelé Biel ne lui déplaisait pas. Pour la petite histoire Biel se prononçait en deux syllabes c'est-à-dire« Bi-yèl ».
Donc pour revenir à cette activité lait à la ferme, ma grand-mère fabriquait aussi quelques molettes de beurre et des fromages qu'elle vendait frais, ou secs après les avoir fait sécher extérieurement, à l'abri du soleil et dans un lieu ventilé, disposés sur les rayons d'une cage spéciale suspendue et équipée d' un grillage extrêmement fin qui assurait la protection contre les insectes rampants ou volants, sans empêcher la circulation d'air.
La traite ayant lieu chaque jour vers dix huit heures, les clients arrivaient ensuite vers dix-huit heures trente ou dix-neuf heures chercher du lait frais, une biche à la main, pour le transporter. On peut rappeler que la biche à lait était un petit récipient, généralement en fer blanc, muni d'une anse, et d' une capacité d' environ deux litres. Ces clients venaient essentiellement du quartier : Carra, Tilleul et comme les sœurs Dévant, quartier de l'église. Le curé Richard ou sa mère, celle-ci ayant résidé longtemps à la cure avec son fils, en faisait aussi partie. Et lorsque ça n'était pas encore prêt, toutes ces personnes discutaient en attendant le moment d’être servies. C’était donc un point de rencontre sympa, et je pense, apprécié.
Juste une précision concernant la traite. Le lait fraîchement issu du pis des vaches, apparaissait toujours comme recouvert d'une fine couche de mousse blanche. On disait alors que c'était du « lait bourru ». Une filtration rapide au travers d’une étoffe propre suffisait pour lui redonner l'aspect habituel du lait. C'était du lait entier, contenant tous ses éléments notamment les matières grasses, et qui étant donné l'absence de réfrigérateurs chez la plupart des gens, était à consommer rapidement. Les vaches nourries uniquement avec de l'herbe, du foin et des betteraves fourragères en hiver, donnaient du bon lait.
Quant à l'autre ferme dont l'activité était devenue essentiellement maraîchère, je me souviens d'un détail: Antoine Perrin, dit « Tatane », exploitant agricole qui l'occupait, était également chargé par ses collègues de la protection contre la grêle. Cela consistait à envoyer dans les nuages de petites fusées censées empêcher la formation des grêlons. Ce qui fait que lorsque de gros nuages noirs menaçants s'accumulaient au-dessus de Bouthéon et de ses terres cultivées, on le voyait alors partir en trombe, au volant de sa camionnette en direction des lieux à protéger, c'est-à-dire les Chambons. Quelques minutes plus tard on percevait nettement, depuis le village, le bruit des fusées qui éclataient au milieu des nuages.
Je n’ai jamais vu de commerces place de la Carra. Il y avait cependant Morin qui « faisait » les marchés du secteur où il vendait essentiellement des tabliers confectionnés à domicile par son épouse et une ou deux autres couturières locales travaillant elles aussi à leur propre domicile.
Et puis, voisin d'Antoine Perrin, il y avait dans la maison occupée maintenant par l'Atelier des arts, la menuiserie de Jean Imbert. Celui-ci, tourneur sur métaux de formation avait succédé à son beau père Ferdinand Michon en reprenant à son compte la menuiserie artisanale de ce dernier. Il avait même, au plus fort de son activité, deux ou trois employés, dont Claudius Clapeyron, dit« Dudu ». Je me souviens bien de lui. Il était d'ailleurs un excellent menuisier. De taille moyenne, son front, agrandi par une calvitie précoce était très souvent recouvert de perles de sueur, même lorsqu'il ne faisait pas chaud. C'était un personnage discret et modeste, en quelque sorte un brave type.
Accessoirement à cette activité principale qu'était la menuiserie, on trouvait chez Imbert des vitres pour remplacer celles qui étaient cassées. Il pouvait les découper suivant les dimensions demandées.
Mais ce qu'on retient surtout de Jean Imbert, c'est qu'il a été maire de Bouthéon de 1953 à 1965, jusqu'à l'union avec Andrézieux, que lui, stéphanois de naissance, a réalisé avec le maire d'Andrézieux, le lyonnais Pierre Desgranges; ce dernier était né dans le sixième arrondissement de Lyon en janvier 1898.
Il manifestait, et cet aspect a été un peu oublié, un rejet total pour la pratique du sport, considérant que les activités sportives ne pouvaient convenir qu'aux oisifs. D'où une certaine incompréhension avec la jeunesse d'alors quand elle demandait à la municipalité, en fait au maire, un tout petit effort en matière d'équipements sportifs, lesquels a proprement parler n’existaient pas du tout à Bouthéon, et même pas à l'état de promesses...
Le portrait de Jean lmbert figure maintenant et depuis quelques années déjà sur la façade Est du bâtiment qui abrite les salles «du Tilleul » essentiellement réservées aux associations. Il y figure en compagnie d'un autre Bouthéonnais qui a marqué lui aussi son époque, le Curé Charles Richard, d'ailleurs également, et tout comme Jean Imbert, stéphanois de naissance. Tous deux ont le regard dirigé vers la place de la Carra voisine sur laquelle ils semblent veiller. Ces deux portraits ont été réalisés en 2010 par Serge Tziganov, un artiste d'origine russe établi à Saint-Étienne.
Posté le 16-02-2020 13:52 par Jimre
Bouthéon
L’histoire du château de Bouthéon est complexe et peu de témoignages nous sont parvenus.
Cet édifice reste néanmoins l’un des témoins majeurs de l’histoire du Forez.
Le nom du château de Bouthéon apparait pour la première fois au XIIe siècle mais le site est déjà connu dès l’époque romaine. Il fut certainement choisi pour des raisons stratégiques comme le contrôle de la Loire et de la plaine du Forez. Les galets de la Loire et le grès houiller font partie des éléments qui ont servi pour la construction du château.
Au Moyen Age, le château possède un plan simple mais en véritable château fort, le château de Bouthéon doit déployer tout un arsenal défensif. Il est composé d’une tour donjon enchâssée dans un robuste rempart surplombant des fossés secs. A l’ouest, on préfère utiliser la pente naturelle du terrain pour la défense. Au fil du temps, le donjon se transforme en corps de bâtiment qui s’ouvre par un pont-levis vers la poterne du village. Cette aile a conservé ses volumes originels, excepté l’adjonction au XIXe siècle d’une serre à l’angle sud-ouest. En 1423, le donjon est toujours occupé, car nous savons que l’on y organise les noces de Jeanne de Joyeuse et de Gilbert III Motier de La Fayette, Maréchal de France, héros de la guerre de Cents Ans, propriétaire du château de 1423 à 1463.
A l’extrême fin du XVe siècle, Mathieu de Bourbon devient le nouveau propriétaire du château. Il abandonne l’aile médiévale pour se faire bâtir une aile plus confortable au nord. De part et d’autre de cette aile, il fait aménager des tours, dont subsiste la plus belle à l’ouest. A chacun des étages, on aménage des appartements privés desservis par un escalier à colimaçon indépendant. Chaque appartement se compose d’une pièce, d’un petit oratoire et d’un cabinet d’aisance. Une attention toute particulière a été apportée au décor d’inspiration médiévale. D’élégantes voutes d’ogive ornent les embrasures des fenêtres et nous rappellent par de multiples blasons l’importance des propriétaires du lieu. La cour est agrémentée d’une galerie couverte ouvrant sur la plaine, dont l’escalier d’accès est encore visible. C’est également à la fin du XVe siècle que l’on construit un pont à l’est. Ne restent de cette époque que le monogramme de Mathieu de Bourbon et le décor sculpté.
En 1561, la famille de Gadagne rachète le château. Guillaume de Gadagne offre à la cour du château un nouveau décor, empreint d’italianisme et de théâtralisation de l’espace. Le mur est est démoli et la façade de l’aile sud décorée, un portique à l’entrée et un puits sont créés. Sur l’aile nord, seule une première porte à fronton triangulaire est réalisée.
A partir du XVIIe siècle, les propriétaires ne semblent pas avoir apporté de modifications significatives, du moins sur les façades du château. Les fossés sont comblés, certains éléments disparaissent, la tour sud-ouest, la galerie de la cour d’honneur, mais également l’ensembles de aménagements intérieurs de l’aile nord.
Il faut attendre la fin du XIXe siècle pour que le château de Bouthéon retrouve un peu de son éclat. Claude Coignet*, riche rubanier stéphanois, devient propriétaire du château le 26 mars 1878, succédant ainsi à la famille Thiollière qui vendait le château*, et entreprend de nombreux travaux de restauration portant essentiellement sur l’aile nord. Un escalier d’honneur est créé, une chapelle un grand salon et une salle à manger sont aménagés. L’ensemble est inspiré du style néo-gothique cher à Viollet le Duc et Prosper Mérimée. Une serre est ajoutée sur l’aile sud.
Au XXe siècle, le château de Bouthéon est encore possédé par les descendants de Claude Coignet jusqu'en 1938. Il a donc ensuite été acheté le 4 mai 1938 à la famille Coignet Calemard par les Hospices civils de St Etienne*, et, comme de nombreux monuments historiques, il a été transformé en hospice, logement de réfugiés, habitations…
En 1995, la commune d’Andrézieux-Bouthéon en fait l’acquisition et après 12 ans de restauration, le château ouvre ses portes au public en 2007. On y trouve aussi un parc animalier et botanique sur 12 hectares.
Sources:
- Panneaux situés autour du château
*: Merci à Mr Henri Guignard, qui nous a contacté pour un problème au niveau du prénom de Mr Coignet, acheteur du château en 1878, et nous a également fourni des informations supplémentaires,. Mr Guignard travaille actuellement sur l'histoire du château, et notamment sur l'histoire de la famille Gadagne qui a possédé les lieux de 1561 à 1793.
Il nous indique: "Les responsables de la ville d'Andrézieux-Bouthéon, et le groupe de travail chargé d'améliorer la bonne dénomination des rues, ont enfin reconnu le problème posé par la rue Coignet et y ont apporté la correction qui s'imposait . En effet le prénom Charles avait été associé par erreur, il y a quelques années déjà lors de la création de la rue, au nom de ce rubanier stéphanois, acquéreur du Château de Bouthéon en 1878.
A l'occasion de la Fête du Patrimoine 2019, Coignet a retrouvé, sur une nouvelle plaque qui vient d'être apposée, son véritable prénom qui était Claude.
De façon intelligente, il a été décidé que pendant
environ un an, et afin de permettre aux gens de s'habituer à ce changement, les
2 plaques coexisteront."
Photos:
-Jimre (2016)
- H. Guignard (Un grand Merci pour les magnifiques vues prises d'avion, insérées dans l'article et dans nos bases de photos, château ci-dessous et défilement aléatoire en page d'accueil)
Posté le 13-11-2016 11:54 par Jimre