Rasteau

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Rasteau

Synthèse réalisée par Claude Prince à partir des documents disponibles en Mairie datant de juin 2008

Article disponible sur le site de Rasteau

HISTOIRE DE RASTEAU AU SEIN DU COMTAT (Sources : Henri Dubled, Histoire du Comtat Venaissin, Jean-Claude Leyraud, monographie d’histoire rurale)

Les Voconces, tribus gauloises d’origine celtique, sont écrasés par les romains dans les années -120 a. JC. Les grandes voies de communication sont toutes tracées entre -60 et – 20 a. JC et les grandes agglomérations sont romanisées – Colonia Vasio Vocontiorum.

Le pays des Voconces est une base de ravitaillement –blé des Memini, vignes et oliviers importés de Rome. Il dépend du diocèse de Vienne et sa production agricole diversifiée est destinée à Vaison ville d’importance à proximité immédiate.

Orange ne sera créée que vers – 40 a. JC. La « Pax Romana » favorise l’implantation de grands domaines agricoles distribués sur l’ensemble des terres cultivables.

L’agglomération de Rasteau n’est pas avérée à cette époque mais l’origine des villages est le plus souvent une « villa » romaine. 476 – 560.

La chute de l’empire Romain voit le pays envahi successivement par les Goths, les Burgondes, les Lombards et les Francs.

734-735. Intrusion des arabes venus du Languedoc. La Provence restera une unité politique autonome, royaume au sein du royaume des Francs, jusqu’à la chute de l’empire carolingien en 957.

842- Nouvelles invasions sarrasines venues cette fois-ci de la mer. Implantés en Camargue et à la Garde Freinet les sarrasins mettent la Provence au pillage pendant plusieurs décennies induisant la construction des premières agglomérations fortifiées : les « castrum ». C’est vers la fin des années 980 que le comte de Provence associé aux Lombards met fin au danger sarrasin.

1033- Avec le couronnement de Conrad II, roi de Germanie, naît le royaume d’Arles et de Vienne. La Souveraineté du Saint Empire Germanique sur les comtes de Provence a été concédée en 1016 par le Comte de Provence Rodolphe III, sans héritier.

Ces derniers ont la particularité de régner en indivis ce qui fait naître la confusion car le titre est porté simultanément par plusieurs titulaires, les comtes de Barcelone et de Toulouse par exemple. Durant cette fin du 1er millénaire marquée par la chute du régime carolingien apparaît la féodalité héréditaire qui se substitue au pouvoir central. Le système vassalique apporte la protection du puissant et concentre tous les pouvoirs à la seigneurie, au château. La richesse de l’église, née de la protection qu’elle apporte, place les évêques, qui sont loin d’être toujours des ecclésiastiques, au sein de ce système dominé par la noblesse d’épée et partage le pouvoir avec elle. C’est en particulier le cas à Vaison.

A la fin du Xème et au début du XIème, la noblesse s’est emparée de l’ensemble des terres sources de profits. Les sires de Mévouillon possèdent alors un domaine qui englobe le Sud de la Drome actuelle et l’évêché de Vaison dont Rasteau fait partie.

En revanche les croisades successives ayant appelé la plupart des puissants seigneurs pour aller guerroyer au loin et parfois sans retour, permettront à l’église de reprendre pas à pas la main. Grégoire VII et sa réforme qui est à l’origine de la lutte contre l’empereur germanique Henry IV. (Canossa 1077) poursuivie par ses successeurs remettront de l’ordre dans les évêchés. Au XIIème siècle l’église a conquis son autonomie dans ce qui sera le Comtat Venaissin.

L’évêque Rostaing de Vaison est nommément cité pour la reconstitution par rachat vers 1120-30 de son patrimoine à Vaison, qui deviendra terre d’église, dans lequel figure Rasteau. L’arrivée des Templiers, ordre monastique combattant, en 1134 à Richerenches et en 1137 à Roaix est plutôt perçue comme une concurrence à l’hégémonie de l’évêque. Rasteau qui est un peu éloigné des voies de communication (Via romaine et l’Ouvèze qui est navigable pendant une période de l’année) ne fait pas l’objet de convoitise et reste à l’évêché.

1125 – L’indivision qui lie les comtes de Toulouse et de Barcelone est rompue. La Provence au Sud de la Durance reste le comté de Provence quand le Nord, dont le Comtat Venaissin est la pièce maîtresse, devient le marquisat de Provence sous la souveraineté du comte de Toulouse. Souveraineté limitée par les droits de l’Empire (Germanique), ce qui est à l’origine d’une suite de guerres de succession.

En 1160 le comte de Toulouse, marquis de Provence, qui a construit auparavant la forteresse de Vaison s’empare de toute la ville, chasse l’évêque et occupe ensuite Le Crestet et Rasteau jusqu’en 1178. Suit une succession de restitutions et reprises par l’un ou l’autre jusqu’en 1194.

1209-1215 La croisade des Albigeois écrase les alliés du comte de Toulouse qui est dépossédé de tout son domaine, excepté le Comtat qui doit lui être rendu par le prince d’Orange qui se l’était approprié pendant la croisade.

1216-1224 Le comte de Toulouse a reconstitué son patrimoine territorial mais le roi de France reçoit, par cession, tous les droits conquis par les croisés.

1226 – 1229 Intervention du roi de France Louis VIII qui aboutit au traité de Paris qui attribue le Comtat au Saint siège. Mais l’Empereur germanique qui n’a pas été partie prenante à ce traité le conteste.

1239 – Avec l’appui de l’Empereur le Comtat est restitué au comte de Toulouse, Raymond.

1249 - A sa mort, le frère du roi de France, le comte de Poitiers, époux de Jeanne de Toulouse, devient comte. La soumission progressive des différentes composantes du Comtat et une administration éclairée marquent cette période.

1251 - L’évêque Faraud de Vaison assisté entre autres de Raymond de Mévouillon prête hommage au comte pour Vaison, le Crestet, Rasteau et Entrechaux ce qu’il avait refusé jusqu’alors.

1271- Jeanne de Toulouse et son époux meurent en août. Le roi de France conteste le testament de Jeanne et s’empare des biens de son frère. Mais le pape Grégoire X le force à renoncer et le 27 janvier 1274 le Comtat est remis au pape. Cette situation, malgré de nombreux cahots, perdurera jusqu’en 1790. Le Pape abandonnera définitivement ses états pontificaux à la France par le traité de Talentino en 1797.

L’insécurité perdure. Chaque passage des armées croisées XIème- XIIIéme ou en marche vers l’Italie XVIème est source de dévastation. La contre-réforme prend une forme très brutale qui atteint son paroxysme au XVIème siècle.

En 1597, la guerre associée à la peste a conduit le Comtat à la misère.

En 1635, les Rastelains reconnaissants ont construit une chapelle dédiée à St Didier, saint patron du village, en remerciement pour avoir été épargnés par la peste de 1631 (79 morts en 5 jours).

Tout jusqu’alors a poussé les habitants de village comme Rasteau à se protéger derrière les murs de fortifications de leur village. Il faudra attendre le consulat et donc le début du XIXème siècle pour que des conditions favorables au retour de l’habitat rural hors des murs s’installent.

Rasteau a de tout temps vécu de sa production agricole. En 1269 Rasteau comprend 120 feux (familles vivant sous un même toit) à peu de chose près comme Sablet et Seguret. L’agriculture du Comtat comportait le blé (froment, conségal, seigle, avoine, épeautre), la vigne, l’olivier et les jardins. Le cheptel est composé de porcs, moutons et de rares chèvres jugées trop dévastatrices. Les équidés (mulets, ânes et de rares chevaux) sont réservés au travail de la terre et au transport. L’élevage des bovins n’est pas très développé et réservé au travail de la terre. Les terres riches sont réservées à la production agricole qui est juste autosuffisante pour les besoins locaux. Ce qui privilégie la culture des céréales et limite celle de la vigne. D’autant que les méthodes de production et de stockage du vin, qui ne favorisent pas sa conservation, associées aux difficultés de transport le réduisent à un usage local guère au-delà d’Avignon.

Les cadastres de 1414 et 1635 font état de 450 hectares cultivés à Rasteau, répartis par tiers entre le clergé, la noblesse et la communauté paysanne. Les ¾ de la surface de la commune sont couverts de bois et garrigues compléments à la vaine pâture des animaux de la ferme. Un moulin à eau datant de 1290 alimenté par un canal prélevant des eaux de l’Ouvèze depuis Roaix contribue à développer la production des céréales au Rasteau.

Le ver à soie est introduit dans le Comtat au 13ème siècle mais l’industrie de la soie, la sériciculture et donc l’exploitation du mûrier blanc ne se développent qu’à partir de la fin du XVIème siècle et fera la richesse du Comtat au XVIIIème siècle. La feuille de mûrier sera une des productions du village comme l’atteste aujourd’hui la place du village ancienne plantation de mûrier blanc des sœurs « de Lapparent » et l’ancienne « fabrique », atelier de filature.

La culture de l’olivier s’est fortement développée au Rasteau au XVII ème siècle ; plus de 66 hectares portent des oliviers parfois associés à la vigne (ouillières) mais les gels qui se sont succédés de 1671 à 1790 et le dernier en 1956 ont eu raison de cette exploitation.

La vigne, qui de tout temps a existé au Rasteau sous la tutelle des évêques associée à une production arboricole variée, commence à se développer à partir de la fin du XVIII ème. Après la quasi destruction par le phylloxéra en 1880 la vigne reprendra progressivement sa place (40% de la surface cultivée en 1914) avec des cépages renouvelés (Grenache, Carignan…) plus aptes au coupage pratiqués par les négociants acheteurs.

La vie à Rasteau qui avait connu son apogée en 1877 (916 habitants) devient difficile après 1880 car les sols exploités précédemment en vigne ne se prêtent pas à d’autres cultures plus gourmandes en eau. La garance et la soie, les olives et un peu de céréales dans les terrains les plus favorisés, l’élevage, sont les seules ressources des Rastelains. L’introduction progressive des greffons sur plants américains à partir du début du siècle redonna espoir et la vigne retrouva vraiment sa place après la fin de la 1ère guerre mondiale.

La création en 1925 de la cave coopérative, par 60 agriculteurs, associée à la naissance des premières caves particulières marquent l’émancipation des agriculteurs Rastelains qui se libèrent de la tutelle des marchands de vendanges et autres vinificateurs pour prendre en main leurs fonds de commerce.

L’appellation contrôlée AOC « Côtes du Rhône » obtenue en 1927 et l’AOC « Rasteau » du vin doux en 1944 viendront couronner cette prise en main.

Le grand gel de 1956 qui a décimé les oliviers dans tout le Sud de la France a fortement accéléré l’évolution vers la quasi monoculture qui prévaut à ce jour à Rasteau.

Notes de l'auteur:

– Centurie : Terme employé par les romains pour qualifier une unité cadastrale de 2400 pieds de coté soit environ 50ha. (20 actus * 120 pieds* 29.5 cm). La centurie militaire, autre sens du mot, comprenait 80 légionnaires.

- Dîme : Prélèvement sur le produit des terres agricoles et de l’élevage au profit de l’église. Obligation religieuse instituée en 585 devenue obligation civile sous les Carolingiens 779-794. - - Décimateur : Collecteur de la dîme

– Prince d’Orange, titre vassal du comte de Toulouse, accordé en 1178 par le représentant de l’empereur germanique. Longtemps attribué aux Nassau.

- Rasteau (Rastel) désigne un territoire caractérisé par des ravines creusées par l’érosion fluviale dans un sol alluvial fragile séparant des crêtes étroites et allongées (serres). L’extrémité la plus élevée d’entre elles est idéale pour édifier une enceinte fortifiée : Pied Bresson. (du latin podium –colline – et de bresson : berceau)

- Venaissin du celtique « vindo » appellatif du nom des « Vendescalii » gaulois qui occupaient Venasque. Le sceau du Venaissin apparaît pour la 1ère fois sur un acte en 1222–Raymond VII, la Croix de Toulouse et la légende « Signum Venaissini »

- Conségal. Céréale mélange de froment et d’orge.

- Peste. Noire en 1347-1348 et +. 1631, 1720 et suivantes

- Martinet. Forge hydraulique (du cuivre à Roaix en 1437)


Photos:

- Jimre (2009)

Posté le 12-11-2011 22:40 par Jimre