Tour d'Aigues

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Tour d'Aigues

La Tour-d'Aigues (C. de Turre Aiguerii, Turris Ayguesii). 

Commune de l'ancienne viguerie d'Aix, 5 kilomètres N. E. de Pertuis, 38 km d'Apt et 77 km d'Avignon, sur la petite rivière du Lèze, dans une contrée riante et fertile.

Quoiqu’un peu montagneuse, elle produit des grains, des amandes et surtout de la soie, principal commerce du pays. 

II y a plusieurs filatures et ouvraisons pour cet article, un hospice, des frères de la Doctrine Chrétienne, des religieuses de la Présentation, un marché le mercredi accordé par François Ier en 1515, et deux foires par an, le 25 juillet et le 4 octobre. 

Sa population et de 2,309 habitants, sa superficie de 4129 hectares et son altitude (clocher), de 290 mètres. 

Le village est bâti sur les dépôts alluviens modernes du Lèze ; mais le territoire, à l'est et à l'ouest surtout, est serré de près par la mollasse marine des terrains tertiaires. 

La porte de l'église actuelle est prise dans l'abside de l'église primitive, qui était romane; presque tout le restant est du XVIIe siècle. La chaire en bois est d'un travail exquis et représente l'Assomption de la Vierge, et divers saints. Elle est d'un ancien artiste du pays.

Ce qu'il y a de plus curieux dans le pays, c'est ce qui reste du fastueux château des barons de Cental. C'est un parallélogramme de 80 mètres sur 60, avec fossé, où coulent les eaux de l'étang de la Bonde. On peut se faire encore une idée de cette belle demeure par ce qui reste debout, c'est-à-dire la porte d'entrée, arc triomphal on miniature, les carcasses carrées de deux pavillons latéraux et collés de deux grandes tours rondes, aux angles opposés. 

Dans le centre, une grosse tour carrée présente de face une immense crevasse. 

On l'appelle tour des Romains, bien qu'elle date du XIe ou XIIe siècle. 

C'est cette tour qui donna sans doute une appellation aux habitations qui vinrent se groupper autour d'elle. 

Les pavillons et les tours étaient reliés par un corps de logis, dont il ne reste plus, en certains endroits, que les murs extérieurs, percés de grandes croisées. 

La porte se compose d'un grand fronton triangulaire, richement ornementé, soutenu aux angles par quatre pilastres d'ordre composite. 

Sur la façade, quatre colonnes de même style soutiennent une frise enrichie de trophées.

Les entre-colonnements ont des niches et des tables encadrées. 

Dans les tympans, deux victoires portent le labarum ; sur la clef de voûte est un personnage armé. 

Au-dessus de la frise, même répétition architectonique, mais sur de moindres proportions. 

L'ouverture en plein cintre qui répond la porte est percée à jour et a dû recevoir un groupe. 

Les colonnes sont remplacées par des pilastres. 

Le tout est couronné par un riche fronton, d'une délicatesse parfaite. 

L'ouverture de la porte ne répond pas à la grandeur de cette superbe avenue : il a fallu échancrer les pieds-droits pour faciliter le passage des voitures. 

Au fond de la cour d'honneur, se trouvait la grande tour. 

Comme elle était petit appareil, on recouvrit d'un placage sa partie antérieure, pour la mettre en harmonie avec l'édifice. 

Dans six cadres, couturés d'une guirlande de laurier, sont des C, des L et des D entrelacés. On prétend que c'est une allusion aux maisons d Agoult, de Cental et de Lesdiguières, tour-à-tour propriétaires du fief de La Tour-d'Aigues. 

L'étage inférieur de la tour Offre encore des restes de peintures : ce sont des scènes mythologiques. 

Les trois autres faces sont à pointes de diamant. 

La tour ronde du midi servait de chapelle.

De cette tour au pavillon de la façade, c'est-à-dire, sur toute l'exposition du midi, court une large terrasse, pavée en grès, d'où la vue embrasse les jardins, qui sont en contrebas, les serres, les bassins et le vallon, au fond duquel serpente le Lèze. 

Au levant était un parc immense dont on peut suivre encore les contours par le mur de clôture. 

Au nord, une masse régulière de végétaux annonce la pièce d'eau qu'encadraient des arbres séculaires. 

Toute cette belle végétation a disparu pour faire place à des terres labourables. 

Les bâtiments en face du château étaient les écuries ; à côté, la ménagerie venait s'appuyer à la pièce d'eau.  Une grande place était ainsi ménagée entre les deux. Les pavillons sont la partie la mieux conservée. 

Ils sont à trois étages, outre le rez-de-chaussée : le dernier portait sur un riche entablement. 

Cette partie, bien que lézardée, subsiste presque entière, au pavillon de gauche ; mais on ne peut s'empêcher de trembler qu'un coup de mistral ne jette un jour bas ce magnifique échantillon de la Renaissance.

La terre de La Tour-d'Aigues passa des comtes de Forcalquier à la maison de Sabran, en 1183, puis à celle des d'Agoult, en 1410. 

Raymond d’Agoult étant mort sans enfant, en 1505, ses deux sœurs se partagèrent sa succession, qui consistait en soixante-cinq terres nobles. 

La baronnie de La Tour d'Aigues échut à Jeanne, épouse d'Antoine-René de Bouliers, marquis de Cental, seigneur de Beaumont et vicomte de Reillanne

Celui-ci jeta alors les fondements du château, qui fut continué par Antoine, son fils et par Jean-Louis Nicolas, son petit-fils.

On a dit que les embellissements de cet édifice étaient dus å Ia galanterie de Nicolas, qui espérait y recevoir Marguerite de Valois, première femme de Henri IV, dont il était amoureux. 

« Si le fait est vrai, dit Papon, le baron de Cental ne pouvait laisser un plus beau monument de sa folie ». Mais le fait ne pouvait être vrai pour plusieurs raisons. 

François Ier coucha dans ce château, en 1537, en revenant du Piémont. 

La reine-mère, Catherine de Médicis, y arriva le 6 juillet 1579 et y séjourna jusqu'au lendemain au soir, accompagnée du cardinal de Bourbon, du maréchal de Montmorency, du grand-prieur de France, de la princesse de Lorraine, sa petite-fille, de la princesse de Condé, etc. 

C'est à cette occasion sans doute que le vieux baron fit peindre partout des M et des C entrelacés, avec la devise "Satiabor cum apparuerit".

Cette expression naïve de la joie d'un vieillard qui reçoit chez lui sa souveraine aura donné lieu à la fable de ses amours pour Marguerite de Valois. 

La maison de Bouliers ayant fini vers l'an 1584, cette belle terre passa à François-Louis de Montauban, comte de Sault. 

Sa veuve, la fameuse comtesse Chrétienne d'Aguerre, la laissa à son fils du premier lit, Charles de Blanchefort-Créqui, duc de Lesdiguières, dont la fille épousa, en 1617, le maréchal de Villeroi et lui apporta en dot la baronnie de La Tour-d'Aigues. C'est des Villeroi qu'elle fut achetée, en 1720, par Jean-Baptiste Bruni. 

Son dernier propriétaire fut aussi le dernier président du parlement de Provence. 

Le château du président Bruni devint un vaste et précieux musée, que les savants et les curieux s'empressaient de venir consulter.

Tableaux, marbres d'ltalie et d'Égypte, fossiles de Provence, minéraux, herbier, laboratoire de chimie, conchyliologie, ménagerie d'animaux étrangers, tout se trouvait dans cette maison royale, dont le baron faisait les honneurs avec la complaisance du savant et l'affabilité du grand seigneur. 

Une partie du château devint la proie des flammes, en 1780, par l'imprudence d'un couvreur ; le fanatisme révolutionnaire fit le reste, en septembre 1792. Ces magnifiques ruines pénétrèrent l'âme de Millin d'une religieuse douleur, en 1804. 

Qui songera un jour à les relever… ?


Source:

- Département du Vaucluse, dictionnaire des communes de Jules Courtet édition Res Universis.


Photos:

- Jimre (2018)

Posté le 18-12-2021 11:17 par Jimre