Annecy
ANNECY
Située à égale distance entre Genève et Chambéry, son histoire du Xe au XIXe siècle est fortement marquée par l'histoire de ces deux villes.
Les débuts d’Annecy
Avec l'affaiblissement de l'Empire romain, de nombreux peuples barbares déferlent sur la Gaule. En 259, le vicus subit une importante attaque, est rasé et sa population massacrée. Les survivants se réfugient dans les grottes du mont Veyrier. Restauré, Boutae connaît un nouvel essor au siècle suivant. La période gallo-romaine apparaît quelque 50 ans avant notre ère et voit rapidement émerger un "vicus" d'environ 2 000 âmes désigné du nom de Boutae et dont l'urbanisation dans la plaine des Fins a laissé suffisamment de vestiges pour permettre de connaître avec exactitude l'implantation du forum, de la basilique, des thermes (visibles 36 avenue des Romains) et du théâtre, dernier élément susceptible d'être remis à jour.
La forme triangulaire de cette cité témoigne de la prépondérance des axes de circulation convergeant à ce carrefour ; chaque pointe étant dirigée vers Faverges (Casuaria), Aix-les-Bains (Aquae) et Genève (Geneva).
Annecy et les invasions
Mais, lors des grandes invasions du début du ve siècle, le vicus est définitivement détruit. Les Burgondes occupent la région qui est annexée par les Francs au vie siècle. L'insécurité grandissante contraint les habitants à abandonner la plaine pour les collines voisines, comme l'atteste le domaine agricole de la villa « Anniciaca » (colline d'Annecy-le-Vieux) au VIIIe siècle, qui devient un domaine royal au siècle suivant.
Nul ne doute que les sarrasins qui étaient établis au Fraxinetum, sur la côte méditerranéenne, ont dû séjourner ou passer par les environs du lac d’Annecy pour mettre en place leurs embuscades.
Après la dispersion de la population de Boutae au VIe siècle, une nouvelle étape est franchie avec l'occupation progressive des rives du Thiou au débouché du lac à, emplacement privilégié comportant un passage incontournable à la grande voie nord-sud pour le franchissement de la rivière à hauteur de l'Ile.
Dès lors s'organise la cité du Moyen Age de part et d'autre des rives du Thiou sous la protection de fortifications qui deviendront le château. Au départ, il s’agit d’une simple tour adossée à un contrefort du Semnoz, marquant le siège d’une seigneurie. Un texte de 1107 confirme la naissance d'Annecy-le-Neuf sur les rives du Thiou et fait une première mention d'une église Saint-Maurice sous le château. Ce dernier et la bourgade d'Annecy-le-Neuf se développent sous le comte Amédée Ier (de Genève). Elle a alors l'apparence d'un gros village avec de nombreuses étables, mais dispose de précieux atouts :
- le lac pour la pêche et la navigation, le transport des produits pondéreux (pierres et bois) ;
- la chaux, la molasse, le sable, les graviers, les pierres de Cran, le tuf de Vieugy, le calcaire, les bancs d'argile et le minerai de fer du Semnoz ;
- les vastes forêts de Chevêne et du Semnoz pour le bois et le gibier ;
- la fertile plaine des Fins pour l'agriculture ;
- les pâquiers (pâturages) autour de la ville ;
- le canal du Thiou avec sa force motrice permettant d'installer des artifices hydrauliques (moulins, meules, pilons, battoirs, tours, martinets, soufflets, scies mécaniques...) ;
- une élite de maîtres artisans, de marchands de textile et de fer, d'hommes de loi et d'officiers...
En 1132, une maison forte est édifiée sur l'île au milieu du Thiou. En lutte permanente avec les évêques de Genève, les comtes de Genève finissent, à la fin du XIIe siècle, par se réfugier à Annecy où ils occupent le manoir de Novel au fond de la plaine des Fins, puis le château qu'ils agrandissent au XIIIe siècle. La ville devient donc capitale du comté.
Dès le XIIIe siècle, la ville est entourée d'une enceinte fortifiée, faite d'une ceinture de courtines et de tours, utilisant souvent les murs aveugles des maisons (les murenches), appuyée sur le château et sur le canal du Vassé qui sert de fossé sur tout le pourtour au nord du Thiou, percée de poternes et de quatre portes principales : Perrière au sud-est, du Sépulcre à l'ouest, de Boutz ou Bouz (désignant l'ancien vicus gallo-romain de Boutae et non un "bœuf") au nord et du Pâquier (porta pascuorum ou des pâturages) au nord-est, ainsi que de quatre arcs fortifiés avec herses et chaînes de fer sur les canaux, un à chaque extrémité intra-muros du Thiou et du canal Saint-Dominique/Notre-Dame.
Le XIVe siècle est marqué par le long règne du comte Amédée III de Genève de 1320 à 1367, date à laquelle les franchises d'Annecy sont confirmées. La comtesse Mahaut de Boulogne, épouse du comte, donne naissance au dernier des comtes de Genève, Robert, au château d'Annecy. Celui-ci provoque le Grand Schisme d'Occident en devenant le pape Clément VII, en résidence en Avignon. En 1394, Robert de Genève fait ériger l'église Notre-Dame-de-Liesse, nécropole des comtes de Genève, en une collégiale qui, devenant le centre d'un pèlerinage très populaire, confère à Annecy un immense prestige.
Annecy et la maison de Savoie
Cette installation activera l'édification du château promu résidence princière jusqu'à l'extinction de la famille de Genève survenue en 1394 avec la disparition du dernier représentant de cette lignée : Robert de Genève, devenu antipape d'Avignon sous le nom de Clément VII. C'est quelques années plus tard, en 1401, qu'Annecy devient Savoyarde avec l'acquisition du comté de Genève par la maison de Savoie sous l'autorité du plus prestigieux de ses princes : Amédée VIII, premier duc de Savoie.
Le comté de Genève se trouve démembré en un comté de Genève proprement dit (avec la ville et ses environs) et un comté de Genevois avec Annecy pour capitale
L'ancienne capitale du Genevois va traverser une période de désolation causée par une succession d'effroyables incendies détruisant la plus grande partie de la ville en 1412 puis en 1448. Le comte Amédée VIII aide la ville d'Annecy à se reconstruire après le terrible incendie du 3 février 1412 qui la détruit entièrement et au cours duquel même le château est touché.
Il complète encore cette marque d'attachement en érigeant l'apanage du Genevois en faveur de son fils Philippe (1444). Ainsi Annecy se relève de ses cendres et reprend son rôle de capitale d'une contrée couvrant le Genevois, le Faucigny et le Beaufortin.
En 1422, le cardinal de Brogny, originaire du comté, fait édifier la grande église Saint-Dominique qui deviendra l'église Saint-Maurice. Pour rallier les habitants, qui ne voient pas d'un bon œil leur rattachement à la maison de Savoie, Amédée VIII (fait duc en 1416) crée en 1434 l'apanage de Genevois et Faucigny qu'il confie à son fils cadet, Philippe de Savoie. Cet apanage disparaît à la mort sans postérité de ce dernier en 1444, mais il est reconstitué de 1460 à 1491 au profit de Janus de Savoie, fils de Louis Ier de Savoie, qui fait d'Annecy sa résidence officielle alors qu'il est comte de Genevois, baron de Faucigny, seigneur de Beaufort-Ugine-Faverges-Gourdans. Un deuxième incendie ravage la ville le 13 mai 1448, causant des dommages importants aux maisons et aux deux églises. De nouveau capitale d'apanage, Annecy bénéficie de la sage administration de Janus de Savoie et des fastes de sa cour. C'est à ce moment-là que sont établis les principaux organes du gouvernement du comté : conseil comtal, chambre des comptes, procureur fiscal, juge mage.
À la mort de Janus, Annecy est de nouveau rattaché à la Savoie de 1491 à 1514. En 1514, Charles III de Savoie inféode le Genevois et les baronnies de Faucigny et de Beaufort à son frère Philippe. Annecy est alors de nouveau le centre d'un apanage allant du Genevois à Ugine.
Cette brillante dynastie de princes apanagés noue des liens matrimoniaux avec la famille royale de France et reçoit de François Ier le duché de Nemours (près de Fontainebleau), conférant à nos nouveaux princes le titre de duc de Genevois-Nemours.
Philippe (duc de Nemours en France en 1528) est le premier prince de la dynastie des Genevois-Nemours qui se prolonge jusqu'en 1659 (à la mort d'Henri II, dernier duc de Genevois-Nemours, le 14 janvier). En fait, c'est Jacques de Savoie-Nemours qui devient le premier duc de Genevois, le comté ayant été érigé en duché en 1564 par Emmanuel-Philibert qui entend s'attacher et surveiller ce prince trop français à son gré qu'est Jacques de Nemours, fleur de toute la chevalerie selon Brantôme. L'administration du bourg d'Annecy est alors de la responsabilité d'un conseil général, assemblée des bourgeois de la ville, qui élisent quatre, puis deux syndics pour trois ans. À partir de 1491, un conseil étroit dit des Douze, comprenant les syndics et des conseillers, prend en charge les affaires de la ville.
La ville est parcourue par des artères appelées charrières ou ruales, souvent bordées par des arcades, dont la disposition est d'une grande simplicité : deux axes est-ouest parallèles au Thiou et un axe nord-sud perpendiculaire. La première voie, la plus importante, appelée magna carreria ou « grande charrière », relie la porte Perrière à la porte du Sépulcre en longeant le rocher. La deuxième voie, parallèle, sur la rive droite du Thiou, est dénommée charrière de la Halle (rue Grenette), prolongée par la ruale du Four (rue J.-J. Rousseau). La troisième voie, perpendiculaire, part du pont de l'Isle et, par les charrières Filaterie et Notre-Dame, rejoint les portes de Boutz et du Pâquier. Le quadrillage interne se trouve complété par des quais, des places, des rues transversales, des allées et de nombreux passages couverts. Un canal intérieur, issu du Thiou près de l'église Saint-Dominique, traverse la cité et va se jeter dans le Vassé après la collégiale Notre-Dame-de-Liesse.
De nombreux artifices sont installés le long du Thiou pour moudre les céréales, mais aussi et surtout pour le travail du chanvre, du cuir et notamment du fer qui confère à Annecy une solide réputation de centre métallurgique spécialisé dans la fabrication des couteaux, des armes blanches et des armures. Les armes et les couteaux d'Annecy sont commercialisés dans tout le duché et même dans les États voisins. Annecy s'inscrit dans le vaste circuit d'échanges européens, profite des retombées de la prospérité de Genève et bénéficie de sa propre foire annuelle à la Saint-André.
Annecy siège épiscopal et « Rome des Alpes »
Portrait de saint François de Sales.
Cette période a marqué durablement l'histoire d'Annecy, qui deviendra siège épiscopal avec le départ précipité de l'évêque de Genève qui préféra quitter sa ville à la veille de la Réforme protestante menée par Calvin(1535), suivi de plusieurs communautés religieuses venues renforcer encore le caractère religieux d'Annecy que des historiens appelleront "la Rome de la Savoie".
C’est ainsi, qu’à partir de 1536, les chanoines de la cathédrale Saint-Pierre s'installent à Annecy ainsi que des ordres religieux catholiques comme les clarisses.
De cette époque, Annecy conserve de beaux monuments venus enrichir son patrimoine : le Logis Nemours au château, la cathédrale Saint-Pierre, la Maison Lambert, le clocher de l'église Notre-Dame-de-Liesse. Si l'on ajoute à cela le glorieux épiscopat de François de Sales, l'ouverture du Collège chappuisien, la création de l'Académie florimontane, on peut parler sans crainte d'un âge d'or pour notre ville.
À partir de 1560, la Savoie du Nord et Annecy, placés en un point stratégique sur la ligne de partage des confessions, deviennent une citadelle avancée de la Contre-Réforme. Si le premier évêque de Genève à résider de façon permanente à Annecy est Ange Giustiniani (1568-1578), les débuts de la Réforme catholique datent effectivement de son successeur, Claude de Granier (1578-1602).
A la fin du XVIe siècle, Charles Emmanuel Ier, duc de Savoie et Henri IV, alors roi de France entrent en conflit. Les calvinistes en profitent pour faire main basse sur des biens régionaux. Cette guerre se termine à la fin des années 1590 et débouche sur le traité de Lyon.
C'est François de Sales (1657-1622), enfant du pays né au château de Thorens - Glières (son père l'envoie à l’âge de six ans au collège de La Roche, puis au collège d'Annecy, fondé par Eustache Chappuis en 1549, où il est un bon élève) - évêque de Genève en résidence à Annecy de 1602 à 1622, qui, après avoir lui-même prêché, jette les bases d'une solide réforme du clergé et d'une transformation des mœurs et des mentalités dans son diocèse. Il marque de façon durable la ville et toute la région grâce à son prestige intellectuel et spirituel. Bien plus, son rayonnement ne s’étend à toute l'Europe catholique avec l'immense succès de l'un de ses deux plus célèbres ouvrages, L'Introduction à la vie dévote. Ainsi Annecy devient la « Rome des Alpes ». Dès 1606, vingt-huit ans avant la fondation de l'Académie française, François de Sales (canonisé en 1666) et le président Antoine Favre (du Sénat de Savoie) créent, à la mode italienne, l'Académie Florimontane ("fleurs et montagnes"). En 1610, François de Sales et Jeanne de Chantal fondent l'ordre de la Visitation. Dans le cadre d'un vaste mouvement des ordres nouveaux, nés de la Réforme catholique, Annecy accueille les capucins en 1592, les visitandines en 1610, les barnabites en 1614, les annonciades de Saint-Claude en 1638, les bernardines réformées en 1639, les lazaristes en 1641, les cisterciennes de Bonlieu en 1648. La présence religieuse est donc très importante à Annecy qui compte treize maisons religieuses pour 5000 habitants. La moitié de la ville appartient à différents ordres religieux qui possèdent non seulement les églises et les couvents, mais aussi des ateliers, des moulins et de vastes terres et forêts. Ces ordres religieux, qui ont la charge de l'éducation et des hôpitaux pour les malades et les pauvres, font travailler les artisans et les commerçants locaux.
Pendant la Révolution française et l'époque napoléonienne, la ville est rattachée au nouveau département du Mont-Blanc dont le chef-lieu est Chambéry, puis, à la restauration, revient dans les possessions de la Maison de Savoie.
En 1860, suite au rattachement de la Savoie à la France, elle devient le chef-lieu du nouveau département de la Haute-Savoie.
Architecture du château
La cour intérieure est bordée d'anciens bâtiments d'habitation de trois époques différentes :
-le Logis Vieux édifié vers 1333, demeure austère des comtes de Genève. Sa tourelle avec ses escaliers en colimaçon et son arcade couvrent un puits de 40 mètres de profondeur.
-le Logis de Némours en 1545, architecture du début de la renaissance.
Occupé aujourd'hui par un musée régional.
-le Logis Neuf en 1571. Ce bâtiment abritait la garnison du château.
Deux tours encadrent cette cour : la tour de la Reine datant du 12ème siècle et la tour Perrière du 15ème.
La tour Perrière et son logis furent construits par le duc Louis 1er de Savoie. Les services administratifs du duché s'y installèrent. Aujourd'hui dans cette tour, se trouve la salle des Fresques : lieu d'exposition de peintures et conservatoires de décors muraux peints au 15ème, ainsi que l'observatoire régional des lacs alpins avec ses aquariums. Une muraille entoure le château pour le protéger des assaillants éventuels.
Sources:
-http://www.annecy.fr/index.php?idtf=47
-http://www.annecylevieux.org/articles.php?lng=fr&pg=28
-http://www.annecy-ville.fr/ville-annecy/histoire-de-la-ville-dannecy/
-http://www.123savoie.com/article-271-1-chateau-annecy.html
-http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_d'Annecy
-http://www.annecy-info.com/histoire.html
- Plans, dessin et photo fournis par Nano.M d'après:
* Châteaux, blasons et vieilles pierres de
Haute-Savoie, Jacques Grombert, Editions Neva,
* Châteaux et maisons fortes savoyards, Michèle Brocard, Elisabeth Sirot,
Editions Horwath.
Photos:
- Jimre (2011, 2024)
Posté le 12-11-2011 11:03 par Jimre