Avril 2020
En ce mois d’Avril, nous vous proposons une vidéo sur la tour de Conspectus, en Savoie (73), et un article sur Couzan, dans la Loire (42). En cette période de confinement, nous mettons également en ligne, ci-après dans cette news, un passage d’un livre sur les grandes Pestes en France, écrit par Monique Lucenet.
Source: Les grandes Pestes en France, écrit par Monique Lucenet, édition Aubier Floréal.
...« Si une maladie atteint un grand nombre de personnes, c’est une épidémie ; quand la plupart d’entre elles meurent, c’est une peste. »
Galien
Mil trois cent quarante-huit : la peste noire s’abat sur le monde occidental. Quelle est-elle ? D’où vient-elle ?
« La dite mortalité commença au mois de Janvier et
dura l’espace de sept mois », écrit Guy de Chauliac dans la « Grande
Chirurgie ». « Elle fut de deux sortes : la première dura deux
mois avec fièvre continue et crachement de sang et on mourait dans les trois
jours. La seconde fut, tout le reste du temps, aussi avec fièvre continue et
apostèmes (abcès)…principalement aux aisselles et aines : et on mourait
dans cinq jours. Et fut si grande contagion, spécialement celle qui était avec crachement
de sang, que non seulement en séjournant mais aussi en regardant, l’un la
prenait de l’autre… »
Ce médecin du pape Clément VI, alors en Avignon, a
remarquablement distingué les deux types de peste qui déferlèrent sur l’Europe
médiévale et y décimèrent « la tierce partie du monde », selon le
chroniqueur Froissart.
Pendant l’hiver 1347-1348, la peste pneumonique fait rage en
Sicile, Calabre, Sardaigne, Corse, ainsi que dans les cités de Gênes, Pise,
Venise, Marseille, Aix en Provence, Arles et Avignon. Les effets de cette
épidémie sont foudroyants. Après quelques heures d’incubation, le malade
souffre de délire sous l’action d’une fièvre élevée, preuve d’une infection
généralisée. Il étouffe, crache du sang et expire dans les jours qui suivent.
Au printemps 1348, le mal se généralise sous l’aspect
bubonique avec l’apparition d’abcès, plus ou moins volumineux, au cou, sous les
épaules et aux cuisses, et de pustules appelés charbon, provoquées par des
piqures de puces, vecteurs de la dissémination. Dans ce cas, la mort survient
plus lentement et de façon moins certaine. Ainsi, à Florence, raconte Bocace
dans le « Décaméron » , « la peste n’agissait plus
comme en Orient, où un saignement de nez était le signe d’une mort inévitable ;
mais à l’aine, ou sous les aisselles, naissaient certaines tumeurs qui
croissaient plus ou moins, les une comme une pomme, les autres comme un œuf.
Ces tumeurs se nommaient vulgairement bubons. Bientôt, ces tumeurs naquirent
indifféremment sur toutes les parties du corps ; puis les symptômes
changèrent ; ce furent des taches noires ou livides sur les bras et sur
les cuisses, tantôt grandes et rares, tantôt petites et nombreuses. Ces taches,
ainsi que les tumeurs, étaient l’indice certain d’une prompte mort. »
Les contemporains de cette calamité n’osaient l’appeler
peste, par superstition, pour se faire oublier d’elle ou pour se persuader qu’il
ne pouvait s’agir de ce mal. Ne point le nommer, c’était aussi l’empêcher d’exister.
La mortalité fut la peste et les pestes firent les mortalités. On l’appela mal
des aines, maladie des bosses, peste de Florence, peste à bubons, grande
mortalité. Peste et mort se confondirent. Un auteur la qualifia d’« atra »
au sens fuguré de terrible, mais on traduisit atra par noire, couleur du deuil
et du sombre effroi qu’elle jeta sur le monde médiéval inéxorablement frappé par
ses coups. Désormais, l’occident vécut dans la hantise de ce mal, toute
épidémie devint une peste bien que la peste fut la plus identifiable des
épidémies.
Or au XIVe siècle, la mémoire occidentale avait oublié ce
fléau depuis huit siècles et peu connaissaient le récit fait au Haut Moyen Age
par le chroniqueur Grégoire de Tours : « Cependant, un navire en provenance
d’Espagne atteignit le port de Marseille avec son chargement habituel et
apporta malheureusement avec lui les miasmes de cette maladie. Comme de
nombreux citoyens avaient effectué des achats sur ce bateau, rapidement, une
maison où vivaient huit personnes, ses habitants ayant été tués par la
contagion, fut laissée vide. Ce ne fut pas immédiatement que la peste fut
disséminée par toutes les maisons ; mais interrompue pendant un certain
laps de temps, la peste comme une flèche enflammée, embrasa la ville entière….
Ces moments de confinement « extra-ordinaires » nous
font nous replonger dans l’Histoire, notamment en repensant à la grippe
espagnole au siècle dernier ou pour ce qui est du médiéval, l’arrivée de la
grande Peste en 1348 qui a décimé un tiers de la population en Europe.
Nous pouvons constater que la condition humaine est toujours
la même. Si les moyens de combattre les épidémies virales ou bactériennes se
sont considérablement augmentées et que notre connaissance est plus grande, le
combat pour la survie est toujours là et les moyens de protection, avant que ne
soient trouvés un vaccin pour lutter contre les virus ou un médicament comme
les antibiotiques pour lutter contre les bactéries, restent la distanciation
sociale et le confinement.
Au Moyen Age, on
identifiait les personnes lépreuses en leur faisant signaler leur présence par
une crécelle ou on les mettait dans des hospices. Lors de la peste de 1720, on
construisit un mur, dont on trouve de nombreux vestiges, dans le Vaucluse (84) notamment au-dessus de Fontaines de Vaucluse et Lagnes, pour isoler la population
provençale du reste du Royaume.
Portez-vous bien. Et bonnes visites virtuelles jusqu’à la
fin du confinement 8 ;-))
Posté le 19-04-2020 20:13 par Jimre